ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°78 -

Compte-rendu des débats : ouverture - les leviers de l'attractivité


Caroline Cayeux, présidente de Villes de France, sénateur-maire de Beauvais, a ouvert mercredi 15 mars dernier les huitièmes Rendez-vous de l’Intelligence locale organisés par Villes de France, avec le concours de la Caisse des dépôts et consignation, et dont le thème était la revitalisation des centres-villes.
Abordant les difficultés de modération des loyers commerciaux, ou encore « les déplacements des centres de gravité dans les comportements de la population », la présidente a souligné le besoin urgent de « faire vivre les cœurs de villes », et d’y consacrer une politique publique nationale à part entière.
Trop souvent oubliées des grandes politiques, les villes de France et leurs bassins de vie constituent pourtant un atout irremplaçable pour faire obstacle aux fractures territoriales qui se creusent entre les métropoles, et les territoires ruraux, avec les opérations centres-bourgs.
Parmi les constats, « les villes moyennes et leurs intercommunalités voient de plus en plus de franges de leurs populations aisées se disperser en périphérie, et ont à faire face à la reconquête de leur centre-ville, de leur cœur historique, que ce soit en matière d’animation, d'habitat, de commerce et d’artisanat, et plus globalement d'offre de services à la population. Il s’agit bien là d’un enjeu national et pas simplement local. La revitalisation des centres-villes est un sujet qui va devenir, je l’espère, une politique bien mieux identifiée au niveau national ».
Annonces à venir de la CDC
Marc Abadie, directeur du Réseau et des Territoires de la Caisse des Dépôts, a précisé en ouverture, qu’il s’agissait bien d’un sujet de préoccupation commun porté par son groupe, parce que l’on est en présence d’une politique transversale, qui touche à l’environnement, à l’habitat, à la mobilité, au logement, au stationnement...
Pour la CDC, la revitalisation des centres-villes va faire l’objet prochainement d’une annonce d’un programme spécifique, en marge de la politique expérimentale qui est actuellement menée sur une dizaine de villes de 20 000 à 100 000 habitants, comme Nevers et Cahors.
Parmi les nouveaux sujets, Marc Abadie indique que le renouveau touristique et numérique feront partie des axes du programme de la CDC qui sera prochainement dévoilé.
« C’est ensuite ensemble que nous verrons la façon d’industrialiser les actions en direction du centre-ville, dans une démarche de contractualisation » (…) Les décideurs des villes moyennes ont un rôle primordial à jouer pour sauver une partie du tissu économique du pays ».

 


 LES LEVIERS DE L'ATTRACTIVITÉ


Lors de ces Rendez-vous de l’Intelligence locale, figuraient les actions classiques de mise en valeur du patrimoine, complétées par les interventions touchant à tous les champs de la vie urbaine (commerce, mobilité, offre résidentielle, vie culturelle…). Comment faut-il hiérarchiser ces interventions, quels sont finalement les leviers de l’attractivité ?
Avoir un projet à 360°
David Lestoux, directeur associé du cabinet Cibles et stratégies, rappelle l’importance de donner vie à un projet de centre-ville. Les vitrines vacantes sont évidemment un reflet ou un indicateur de la vitalité de la centralité, mais avec une évolution de 6 à 7% de vacance il y a cinq ans, à un niveau qui se situe de 12 à 13% aujourd’hui, il y a bien une crise des centres-villes.
L’Insee l’a d’ailleurs relevé dans une étude parue en juillet 2015, « les centres-villes des villes moyennes se sont paupérisés, parfois plus que certains quartiers de la politique de la ville ». En effet, la vacance commerciale de centre-ville doit aussi être comparée avec l’évolution du nombre de commerces ou des surfaces, à l’échelle du bassin de vie. Et de ce point de vue, force est de constater que l’on a fait à peu près l’inverse de ce qu’il fallait faire depuis les vingt dernières années.
Pour cet expert, il est nécessaire de remettre la main sur le cœur de ville, en faisant de celui-ci non seulement un projet, mais aussi en lui accordant une protection dans les SCOT et les PLU. En effet, « l’identité du cœur de ville dépasse la problématique du commerce, elle touche l’attractivité du territoire ». (…) Le commerce ne façonne pas seule la ville, au mieux il accompagne ses évolutions… »
Evoquant la nécessité d’un traitement de la centralité à 360°, David Lestoux insiste sur la présence des professions médicales, mais aussi du " petit tertiaire " (experts-comptables, avocats, assureurs, bureaux d’études,…), services indispensables à l’attractivité d’un centre-ville.
Sortir des schémas classiques
Eric Chareyron, directeur prospective du groupe Keolis, évoque pour sa part les transports publics comme vecteur d’amélioration de la centralité. « Il ne s’agit pas de calquer des solutions de transports provenant des métropoles, mais de faire choisir les transports publics dans les villes moyennes ».
En effet, les territoires des villes de France disposent de réserves potentielles de clientèle, que l’on songe à l’importance des ménages n’ayant pas de voitures, aux séniors (plus de 75 ans), aux étudiants, aux salariés, ou encore aux visiteurs de passage. Tous ces publics sont trop souvent sous-estimés dans les politiques de transports collectifs.
Il existe toute une palette de solutions pour renforcer le centre-ville. Eric Chareyron, résume en quelques idées : renforcer le cadencement, sortir du « tout scolaire », adapter les itinéraires, revisiter le type de matériel selon les besoins dans la journée, travailler avec les taxis, revoir les amplitudes horaires, et être présent en début de soirée.
Etre proche et ouvert
Claude Risac, directeur des relations extérieures du groupe Casino, rappelle que son Groupe dispose de 7 000 magasins de proximité (Vival, Spar, Monoprix, Franprix, Leader-Price…), et de 400 supers qui sont en réalité des enseignes de proximité.
Avec l’émergence d’Amazon-Fresh, il constate qu’en matière de commerce, les choses vont toujours plus vite que l’on imagine. Parmi les grands enjeux du centre-ville, le directeur des relations extérieures estime que la numérisation, l’uberisation, et la robotisation de l’économie, s’appliquent aussi de facto au commerce.
« Dans la ville de demain il y aura probablement plus de casiers le dimanche, mais vivre ensemble reste indispensable, aussi je pense que le commerce physique n’est pas mort. Il y aura toujours un plaisir ajouté à faire ses courses ».
Au niveau des commerces de proximité, l’exigence numéro un du consommateur vis-à-vis d’un magasin reste que celui-ci soit ouvert, notamment en milieu de journée et en début de soirée. Au niveau des évolutions qui affectent le commerce, Claude Risac estime qu’il y a une complémentarité, et qu’il ne faut pas systématiquement opposer le commerce de périphérie, avec celui du centre-ville. « Notre préoccupation de commerçant, c’est d’être là où sont les flux ».
Cahors : le centre ancien au cœur du projet urbain
Jean-Marc Vayssouze-Faure, maire de Cahors et président de la CA du Grand Cahors, a présenté lors de ces Rendez-vous de l’intelligence locale son projet urbain « Cœur d’agglo » qui traite le territoire dans sa globalité (dans le Scot et le PLU), en intégrant un volet sur son centre-ville, avec un secteur sauvegardé de 30 hectares très dégradé.
« La volonté de la ville est de redonner l’envie aux familles de réinvestir le cœur de la ville grâce à différentes actions, et de retrouver des équilibres entre générations ». Pour cela, Cahors a misé sur : une nouvelle offre de logements ; un entretien de la dynamique commerciale ; de nouveaux équipements structurants (cinéma de centre-ville) ; un plan de déplacements urbains, et un travail sur le stationnement (doublement des places payantes) ; des aménagements urbains ; la mise en valeur du patrimoine. Sur l’ensemble du centre-ville une OPAH a été mise en place.
Pour son projet urbain, la ville s’est entourée de différents acteurs qui lui permettent d’assurer un poids financier. Les acteurs du territoire tels que la région, le département du Lot, l’Etat, mais aussi l’ANAH, la Caisse des Dépôts et l’Association nationale des villes et pays d’art et d’histoire.
Le centre-ville projet de mandat
En conclusion de ces débats, Pierre Méhaignerie, ancien ministre, maire de Vitré et président de la CA de Vitré, souligne que la question de la revitalisation du centre-ville est venue, pour ce qui le concerne et à sa grande surprise, avant celle de l’emploi, lors de la campagne électorale de 2014.

 


Il y a un certain nombre de pistes pour faire revenir de l’activité. Il y a bien sûr les écoles, les activités artisanales, les pôles de santé, mais à son sens, la mobilité est un élément indispensable dans l’attractivité d’un cœur de ville, avec un pôle d’échange multimodal, bien relié à la gare TGV.
Pierre Méhaignerie insiste sur le fait qu’à Vitré, sont bloqués les développements périphériques, et que l’amélioration et la rénovation de l’existant est la priorité. Les gens ont un sentiment d'oubli dans bien des territoires, et celui-ci souligne que la dynamisation du logement est primordiale. Et à cet égard, « il est regrettable que les villes petites et moyennes aient à supporter les délais, les coûts, et que nous n’ayons pas hérité du Pinel, alors que nous avions droit au Scellier ».

 

n°78

16 Mars 2016

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