ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°334 -

Entretien de la semaine : Trois questions à Catherine Muller, Présidente de VAL’HOR, l’Interprofession française de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage


Lors de votre discours le jour de votre élection le 21 octobre 2021 en tant que nouvelle présidente de l’Interprofession, vous avez demandé à «repenser la ville avec le végétal». Comment VAL’HOR se mobilise-t-elle pour faire des propositions d’innovations techniques et diffuser des informations sur les atouts du végétal dans la ville ?

Oui, il faut repenser la ville avec le végétal. Car nos villes, construites sans la nature se retrouvent aujourd’hui exposées, sans filtre, à des phénomènes climatiques de plus en plus violents d’où leurs difficultés à y faire face et leurs incapacités à être résilientes de façon autonome. Partout sur terre l’eau et le végétal sont à l’origine des écosystèmes propices à l'installation humaine. Or, dans nos villes, trop souvent encore, l’eau est l’ennemie de la construction et le végétal, un accessoire.
La compréhension récente des fonctions écosystémiques offertes par la nature en ville nous offre des perspectives nouvelles, enthousiasmantes. Nous découvrons ou redécouvrons de nouvelles solutions, de nouveaux services aux populations, à leur bien-être quotidien, grâce à la nature. Ici et là et de façon croissante, telle collectivité expérimente la ville nourricière, elle autre, la ville sociale par les parcs, telle autre encore, la ville écologique par les trames vertes et bleues… nous reprenons également conscience de la diminution du risque d’inondations par une meilleure perméabilité des sols. Chaque initiative, même ponctuelle, isolée, fragmentée est utile.

 

Elle concourt à désartificialiser, un peu plus à chaque fois, nos sols exposés. Il faut penser la ville par le Paysage – c’est-à-dire prendre en compte sa géographie, son sol, son écosystème, son histoire - pour rendre ces territoires favorables à la vie.

C’est notamment le rôle des infrastructures vertes. Elles ne doivent pas être conçues comme une addition de nouveaux services écologiques dans lesquels puiser de façon ponctuelle mais comme un travail systémique et continu de transformation du socle de la ville. Cette protection végétale absorbe les écarts de température, la violence des pluies, la pollution, le bruit. L’Interprofession VAL’HOR est le seul lieu qui offre la possibilité aux pépiniéristes horticulteurs, aux paysagistes concepteurs et aux entreprises du paysage de réfléchir ensemble à des solutions techniques et esthétiques et de partager leurs expériences. Ainsi, elle regroupe au sein de ses familles professionnelles, le savoir-faire innovant et professionnel dont nos villes ont besoin pour répondre au défi de la “Ville Nature”, une ville plus verte bien sûr, mais aussi et surtout une ville ayant renoué avec un fonctionnement naturel, pérenne et résilient. VAL’HOR est depuis ses débuts attachée à participer à la conception de la ville par le végétal. Le Cercle Cité Verte, présidé par Erik Orsenna, a eu cette charge d’appréhender les fonctions de la ville par le rôle que le végétal et les aménagements paysagers assurent en matière d’esthétisme bien sûr, mais aussi de façon écosystémique pour la régulation des effets climatiques ou encore pour ses fonctions sociales de bien être dans les parcs, les jardins, les allées, tous ces espaces de nature en ville. Nous confions à cet effet des travaux d’études à Plante & Cité, le centre technique de la nature en ville pour étayer cette approche, ainsi qu’à l’Institut technique ASTREDHOR. Le fonds de dotation Intelligence Nature, récemment créé sera également pourvoyeur de contenus précieux. Grâce à eux VAL’HOR met à disposition des donneurs d’ordre des informations pratiques, techniques, de témoignages et des exemples via le site et la newsletter Cité Verte. VAL’HOR est également membre de France Ville Durable, cercle de réflexion et de transfert de solutions pour les villes.

Villes de France est membre du jury des Victoires du paysage 2022, que vous organisez, avec une mention pour les « Cœurs de Ville ». En complément de cette opération de valorisation appréciée, de quelle manière l’Interprofession VAL’HOR peut-elle accompagner la nouvelle phase du programme Action Cœur de Ville qui s’ouvre de 2023 à 2026, notamment pour faire bénéficier les territoires concernés de son expertise en matière d’horticulture et de paysage ?

Dès ces débuts, nous nous sommes engagés dans le programme national « Action Cœur de ville » à l’invitation du préfet Mouchel-Blaisot fort des réalisations exemplaires que les Concours Victoires du Paysage avait primées. Je pense au parc de la Brèche à Niort qui rassemble tout ce qu’on fait de mieux avec un espace de nature en cœur de ville. Primer la ville de Niort, c’est aussi reconnaitre la volonté de son maire d’en faire une politique publique à part entière sur d’autres quartiers de la ville. Nous en avons mesuré les effets économiques. Ils sont excellents. C’est ce que nous proposons pour la seconde période du programme : mesurer les effets pour confirmer la nécessité impérieuse d’avoir recours à l’expertise du paysagiste concepteur dans les équipes projets des programmes Cœurs de Ville. Et les défis à relever collectivement sont nombreux : Zéro artificialisation nette (ZAN), attractivité des centres-villes, dynamisme économique, bien-être des habitants, à conjuguer avec les enjeux climatiques et écologiques.

Enfin, comment la filière du végétal peut-elle mieux accompagner selon vous les collectivités territoriales vers la sobriété foncière, en incluant davantage la création d’espaces verts ? Quels sont les outils à mobiliser en priorité pour atteindre ces objectifs complexes dans des villes de taille moyenne ?

La question de la sobriété foncière est essentielle, je participe personnellement au club de sobriété foncière du programme. On la rattache aux questions d’artificialisation, avec l’objectif du ZAN en 2050. Or comment apprécier les espaces de nature en ville en ce qu’ils assurent tant de fonctions systémiques à la ville ? Qu’ils s’agissent des infrastructures vertes comme des espaces de nature privé. Chaque jardin compte. Il nous semble essentiel que dans l’élaboration des documents d’urbanisme, on en tienne compte et on ne se prive pas de la générosité du végétal en ville. Le dialogue avec les opérateurs privés est indispensable quand on sait que la majorité du foncier en ville lui appartient. Or la nature ne connait pas la limite public- privé !

On ne peut envisager de densifier sans aérer. On a tous besoin d’un « central park ». Il est urgent de considérer ensemble le paysage comme une ressource intelligente capable de renforcer nos villes grâce aux espaces verts à toutes les échelles, aux infrastructures végétales, aux solutions fondées sur nature. En ville, donnons toute sa place au végétal !

Liens utiles :
www.citeverte.com, www.lesvictoiresdupaysage.com

 

 

n°334

24 Fév 2022

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