ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°692 -

Redressement des finances publiques, les propositions Lambert-Malvy


Martin Malvy, président du Conseil régional de Midi-Pyrénées, et Alain Lambert, président du Conseil général de l’Orne, tous deux anciens ministres du Budget, ont remis au Président de la République, mercredi 16 avril 2014, leur rapport sur la maîtrise collective des dépenses publiques, en présence du ministre des Finances et des Comptes publics, de la ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l’Etat et de la Fonction Publique, et du Secrétaire d’Etat à la Réforme Territoriale.
Conformément à leur lettre de mission du 2 octobre 2013, ces deux élus avaient la délicate charge de formaliser le partenariat et l’engagement de tous les acteurs publics (Etat, administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale) qui permettront à la France de respecter ses engagements, tout en préservant durablement le modèle social de services publics auxquels les Français sont attachés.
Sans être exhaustif, 53 mesures ayant été proposées dans ce rapport, Ondes Moyennes revient pour vous sur les plus significatives d'entre elles.

Gouvernance renouvelée : réconcilier les Collectivités locales avec l’Etat.
Les deux anciens ministres proposent d’associer systématiquement les Collectivités locales aux décisions qui les concernent, et pour cela de disposer d’un lieu de dialogue, après le rejet par les sénateurs du Haut Conseil des Territoires (HCT).
La FVM appuie la création de cette instance de dialogue national des territoires préconisée dans le rapport à condition que toutes les associations nationales d’élus généralistes y siègent et que la concertation ne se limite pas aux seules trois AMF, ARF, ADF, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.
La proposition (n°3) de création d’un mécanisme dématérialisé de consultation sur les textes réglementaires à impact local est elle aussi à retenir, sous réserve d’une transparence de l’exploitation des réponses, tout comme le fait de donner plus de souplesse au pouvoir local en limitant le niveau de détail des lois et règlements (n°4).

La nécessité de mieux partager l’information (y compris financière) et de développer des études thématiques conjointes, propositions qui étaient faites dans le cadre du HCT, reviennent-elles aussi dans les propositions du Rapport Malvy-Lambert (n° 5 et 6 ), ainsi que la création d’un observatoire des Collectivités territoriales.
A l’heure de l’open data, ces propositions sont plus que jamais une nécessité. La méconnaissance  des coûts réels des services publics ne peut qu’inciter à l'émergence de ce type d’outils. En outre, elle permettrait peut-être d’éviter le discours souvent condescendant, voire accusateur de l’Etat vis-à-vis des Collectivités locales.

Contractualisation : un jeu à 2… seulement ?
Le rapport confirme que l’Etat doit effectivement renoncer aux compétences qu’il a transférées. Il préconise que les Contrats de plan Etat-régions (CPER) soient constitués à 50% de thématiques d’initiatives d’Etat et à 50% de thématiques émanant de la région, sortant ainsi de la contractualisation des CPER les autres niveaux de Collectivités, ce que dément aujourd’hui l’Etat, mais qui dans les faits représente déjà un risque réel. L’Etat devra donc prévoir un nouveau mode d’association des Collectivités territoriales infra-régionales à l’élaboration des CPER et des Programmes Opérationnels européens (PO).
Pour clarifier le nombre d’échelons le rapport propose d’inciter à la fusion de communes (commune nouvelle) et de limiter la création de structures (type syndicats). 

 

Diversité des territoires : richesse ou handicap ?
Credo de la FVM, le rapport ouvre la brèche à une reconnaissance de la diversité des territoires, niée dans les politiques publiques depuis toutes ces dernières décennies : « Les besoins du milieu rural ne sont pas ceux des Villes Moyennes ni des très grandes agglomérations urbaines » ; une lapalissade que juge pourtant nécessaire de rappeler le rapport.
Il prône ainsi une action publique différenciée (et non uniforme) sur les territoires. Le principe de la subsidiarité territoriale est ainsi souhaité  pour que les politiques publiques s’adaptent aux territoires.

Répartition des compétences 
Dans sa proposition 15, le rapport prévoit pour chaque domaine une loi de répartition des compétences entre un ou deux niveaux et la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions.
La région disposerait selon le rapport d’une large compétence stratégique de définition des orientations, d’appui et de mise en réseau, et les départements et intercommunalités assureraient l’accueil et la proximité. Le rapport remet en cause la taille actuelle des régions en préconisant un élargissement (sans aborder la question de la diminution du nombre de régions).
Contrairement aux récentes déclarations du Premier ministre, le rapport propose d’offrir aux départements un avenir réaliste. La nature des responsabilités du département doit être précisée dans une logique prescripteur-payeur en matière de RSA , d'APA et de prestation de compensation de handicap.
Il propose de distinguer les départements ruraux des urbains :
- Les départements ruraux (50% des Conseils généraux et 20% de la population) ont largement subi le désengagement de l’Etat. Le département doit y remplir le rôle de garant de la cohésion territoriale. Le rapport va plus loin en préconisant d’aligner la carte des cantons sur celle des intercommunalités pour faciliter la mutualisation entre les échelons, avec à long terme  la transformation du département en fédération des intercommunalités (proposition 23).
- Pour les départements intermédiaires (1/4 des départements et 24,4% de la population), le rapport propose d’éviter les doublons.
- Les départements très urbanisés (26 départements, 53,6% de la population) pourraient quant à eux être amenés à fusionner avec la métropole (exemple lyonnais).
Le département sort ainsi conforté du rapport avec de nouvelles compétences sociales de l’Etat et pourrait même à terme absorber les centres de gestion.

L’intégration intercommunale
L’intercommunalité a jusqu’à aujourd’hui permis un rattrapage de l’équipement collectif des communes, mais n’a pas contribué à la baisse de la dépense publique par habitant. La taille des intercommunalités est jugée insuffisante dans les territoires à faible densité. Le rapport préconise un seuil minimal d’intégration EPCI-communes membres de 60% à horizon de 6 ans, sur la base des compétences transférées et non comme c’est le cas aujourd’hui sur le transfert de la fiscalité (n°25). Plusieurs possibilités d’organisation sont proposées : services d’une commune mis en commun, transfert vers l’intercommunalité des fonctions assurées par les communes, élargissement des blocs de compétences obligatoires.
Le rapport propose de créer des instances paritaires intercommunales, d’établir le plan de formation au niveau intercommunal et de développer la santé et la sécurité au travail à ce niveau (n°26).
Il appelle à la mobilisation des réseaux (corps préfectoral et associations d’élus) pour promouvoir les mutualisations et accompagner les Collectivités locales et à l’introduction dans le CGCT, d’une définition de l’intérêt communautaire précisant que la gestion d’une compétence n’est pas détachable de l’ensemble des équipements permettant son exercice (n° 28).
Le constat du trop grand nombre de syndicats, incite à la proposition (31) d’une fusion avec l’EPCI lorsque 80% du syndicat appartient à l’EPCI, avec dérogations pour les syndicats d’eau et assainissement. Le rapport prévoit aussi de réduire le nombre de satellites des Collectivités locales en les fusionnant ou en ré-internalisant les missions au sein des collectivités (n°33).

Gestion publique
Parmi les nombreuses mesures de gestion publique ou financière qu’ils listent dans leur rapport, Martin Malvy et Alain Lambert proposent de mesurer l’impact financier des normes nouvelles sur les collectivités, en amont de la prise de décision (proposition n° 2). Ils souhaitent que soit communiqué en amont selon une procédure formalisée et suivie, les projets de textes, via la saisine des instances d’évaluation (CCEN, CCEC) avant la finalisation des textes, dans la mesure où l’évaluation des coûts n’est pertinente qu’avant l’application.
Les deux ministres proposent également d’assurer une collégialité des employeurs publics (via un mandat formalisé) lors des discussions en matière salariale et de ressources humaines, ayant un impact sur l’ensemble des fonctions publiques (n° 1).
Pour optimiser les cofinancements, Alain Lambert et Martin Malvy, souhaitent obliger le maître d’ouvrage (hors circonstances exceptionnelles) à assurer au moins 50% du financement du projet pour toutes les communes de plus de 3 500 habitants (proposition n° 14 – NB la loi MAPTAM a porté ce seuil à 30%).
De nombreux outils financiers sont également proposés pour un pilotage sécurisé de la dépense des collectivités. Parmi ceux-ci, on pourra retenir la mise en place d’une comptabilité et d'un compte de gestion unique pour l’ordonnateur et le comptable (proposition n° 36), ou encore pour les collectivités les plus importantes, la mise en place d’une comptabilité patrimoniale (n° 37).

 


En rendant obligatoire, l’information de l’assemblée délibérante sur les coûts de fonctionnement induits par une dépense d’équipement, et le provisionnement d’une année de fonctionnement lors du vote de cette dépense (proposition n° 38), les anciens ministres du budget formulent également des mesures pour renforcer l’information financière et assurer une meilleure maîtrise de l’évolution de la dépense locale.
Pilotage de la dépense des collectivités
La mission recommande aussi de proposer aux régions, départements et principales agglomérations un pacte volontaire individualisé avec l’État, assorti de mécanismes d’incitation financière pour les deux parties (n° 49). Ce pacte - au libre arbitre des collectivités - préciserait l’évolution minimale de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur 3 ans, la compensation des décisions de l’État impactant sans accord préalable les finances des collectivités et l’évolution des dépenses, prélèvements, déficit et endettement (et éventuellement, les fusions ou regroupements de collectivités). Le respect de ces engagements donnerait droit à une bonification de DGF. 

Pacte financier pour restaurer les équilibres budgétaires
Parallèlement au programme de stabilité, il est proposé de mettre en place une trajectoire budgétaire simple et intelligible, afin de stabiliser en valeur les dépenses des administrations publiques centrales et locales. Ces normes d’évolution pourraient être actualisées chaque année et seraient naturellement soumises à révision en cas de « retour à meilleure fortune » et en tout état de cause remises à plat à l’issue des trois ans.
Les « principales » associations de collectivités seraient associées à la formulation du programme de stabilité, autour du Premier ministre et des ministres concernés pour en débattre (n° 47).
Enfin, sans modifier la Constitution, les auteurs proposent de formaliser dans une loi financière les évolutions de dotations de l’État et les perspectives d’évolution des principaux agrégats budgétaires des collectivités. Sans être prescriptif, le texte permettrait d’identifier des objectifs nationaux d’évolution des dépenses des administrations locales par strate de collectivités (n° 48).

n°692

23 Avril 2014

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