ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°690 -

Quelle répartition de l'offre de formations d'ici à 2019 ?


Trois jours après le second tour des élections municipales, le 2 avril, se tenait un séminaire sur les politiques de sites et l’inscription de l’enseignement supérieur dans les territoires, dans le cadre des travaux du Comité chargé d’élaborer un rapport qui servira de support à l’élaboration de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur. La FVM participait aux échanges et intervenait également par la voix de son représentant, Gilles Craspay, adjoint au maire de Tarbes, directeur du Centre universitaire de Tarbes - Pyrénées.
Une stratégie nationale pluriannuelle
La définition d’une stratégie nationale est une nouveauté issue de la loi du 22 juillet 2013 qui reconnaît le rôle stratégique de l'État en matière d'enseignement supérieur comme de recherche, avec l'élaboration de deux stratégies nationales :
- celle de recherche, animé par le Conseil stratégique de la recherche ;
- et la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES), pilotée par un Comité mis en place en décembre 2013 par Geneviève Fioraso, présidé par Sophie Béjean et dont Bertrand Monthubert est le rapporteur. C'est dans le cadre des travaux de ce Comité StraNES que s’est tenu le 2 avril dernier le séminaire intitulé « Politiques de site, niveaux d’action stratégique, inscription dans les territoires ».
Le comité pour la StraNES est composé de 25 membres, personnalités qualifiées qui représentent l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur, les différents ministères concernés, le monde socio-économique et les collectivités locales. Le rapport élaboré par le Comité devra être remis en juin au ministre compétent. Une première synthèse de la StraNES sera ensuite soumise au débat public à l’été 2014.
La loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013 prévoit que les deux stratégies nationales, qui doivent comporter une programmation pluriannuelle des moyens, sont élaborées et révisées tous les cinq ans. Les priorités en sont arrêtées après une concertation avec les partenaires culturels, sociaux et économiques, la communauté scientifique et d’enseignement supérieur, les ministères concernés et les collectivités territoriales. La loi prévoit aussi que les deux stratégies sont présentées sous la forme d’un livre blanc de l’enseignement supérieur et de la recherche par le Gouvernement au Parlement.
La StraNES poursuit plusieurs objectifs tels que définir : ce que la Nation attend, à moyen et long termes, de son enseignement supérieur (ouverture au plus grand nombre, réussite pour tous, etc) ; les objectifs nationaux pour les années à venir et les moyens de les atteindre ; les grandes orientations et évolutions à prévoir pour atteindre ces objectifs. Par ailleurs, la StraNES et les conditions de sa mise en œuvre feront l’objet d’un rapport biennal présenté au Parlement. Ce rapport devra présenter une vision consolidée de l’ensemble des financements publics et privés, au niveau national et par site, activité, filière et niveau d’études, ainsi qu’une évaluation des besoins de financement. Le rapport devra aussi comporter une analyse des résultats des politiques en faveur de la vie étudiante, de la réussite et de l’insertion professionnelle des étudiants.
Les territoires de l’enseignement supérieur
L’un des principaux objectifs du séminaire du 2 avril était de déterminer s’il existe une (ou plusieurs) échelle(s) pertinente(s) en matière d’enseignement supérieur. Il s’agissait aussi d’échanger sur le maillage de l’offre de formations, l’équité territoriale en termes d’accès à l’enseignement supérieur, la coordination entre les acteurs, sans oublier la nécessité d’articuler stratégie nationale et stratégies territoriales.
Du point de vue du sociologue Michel Lussaut chaque territoire présente une spécificité quelle que soit sa taille, aussi n’existe-t-il pas de taille optimum pour les politiques publiques. Il ressort de ses travaux que l’aire urbaine constitue l’échelle pertinente en matière d’enseignement supérieur, mais qu’il s’avère néanmoins nécessaire de conduire une réflexion sur la notion d’accessibilité.

 

Du point de vue du géographe Michel Grossetti, dont les travaux portent notamment sur l’organisation spatiale de l’enseignement supérieur et de la recherche, et aussi sur les systèmes locaux d’innovation, il existe de nombreuses idées reçues totalement erronées. Et d’illustrer son propos par les résultats de ses travaux. À titre d’exemple, si les activités scientifiques sont concentrées spatialement dans les grandes villes, il s’avère que, contrairement aux idées reçues, cette concentration tend à décroître sensiblement. Autre croyance répandue, tout aussi erronée : il faudrait une « masse critique » de chercheurs pour obtenir une recherche de qualité. Or il existe, n’en déplaise à certains, des activités de recherche dont les travaux sont reconnus dans les universités de taille moyenne de même que dans les sites universitaires de proximité, telles que les antennes universitaires. Encore une autre idée reçue : le regroupement des universités les rendrait plus performantes. À ce jour, aucun indicateur ne le prouve… Dernier exemple, la présence d’un établissement d’enseignement supérieur n’est pas systématiquement une source de développement fondé sur l’innovation, tout dépend du contexte local et des orientations scientifiques de l’établissement.
Pour le recteur de l'académie de Grenoble, Daniel Filâtre, hiérarchiser les territoires est une erreur. « Tout territoire recèle une richesse indépendamment même de sa taille. » Il souligne, par ailleurs, une différenciation de la répartition des activités universitaires et plus particulièrement des activités scientifiques dont 42% sont concentrés en Île-de-France. L'ancien conseiller de Geneviève Fioraso conclut son intervention en formulant plusieurs propositions. Chaque territoire est un système. Il convient de revendiquer des politiques différenciées en fonction des territoires, tout en veillant à l'articulation avec le système national d’enseignement supérieur. Il faut éviter une hyper-spécialisation de l'offre territoriale de formations supérieures, mais il est néanmoins nécessaire de penser en termes de « pôles spécialisés ». Il faut mettre en place une contractualisation entre tous les acteurs, y compris les collectivités locales et les acteurs économiques. Il plaide aussi en faveur d'une politique territoriale pour l’enseignement supérieur, qu'il oppose à la notion de politique territorialisée.
Pour atteindre l'objectif, fixé à Lisbonne en 2007 par les États membres de l'Union européenne, de 50% d'une classe d'âge diplômés de l'enseignement supérieur, le maillage et l'accessibilité des formations supérieures constituent un élément-clé. La sécurisation des parcours est aussi un impératif.
L’État stratège
La loi sur l'autonomie des universités du 10 août 2007 et la loi Fioraso du 22 juillet 2013 ont transformé profondément les relations entre l’État et les établissements. « Si l’État reste un acteur central, il n'est plus en situation de monopole » a souligné la directrice pour l’Enseignement supérieur et l’Insertion professionnelle, Simone Bonnafous. La conception même des politiques publiques en est bouleversée, il s'agit désormais de co-construire ces politiques. L’État finance, désormais sans fléchage, 90% des budgets des universités. Il attribue des postes, sans pouvoir en déterminer la destination. Aussi, le projet d'établissement est devenu un élément central, gage pour l’État du respect par les établissements des orientations stratégiques nationales. La loi de 2013 marque une nouvelle évolution : une trentaine de contrats de site co-signés par l’État et les nouveaux regroupements d'établissements (communauté d'universités et d'établissements ou association ou nouvel établissements issue d'une fusion) vont se substituer aux 180 contrats d'établissements passés jusqu'à lors. Le rôle des recteurs évolue. S'ils doivent veiller à l'équilibre budgétaire des établissements, ils deviennent surtout un levier de l'action territoriale.
Le rôle des collectivités reconnu
La loi de 2013 marque un changement notable en reconnaissant expressément le rôle des collectivités territoriales en matière d'enseignement supérieur et de recherche (ESR). La loi pose l’obligation d’une concertation avec les collectivités, en amont de la définition des priorités de la stratégie nationale d’enseignement supérieur et de recherche. Elle rend obligatoire l'élaboration des schémas régionaux de l'ESR et de l'innovation, à la conception desquels les Régions doivent associer les collectivités locales qui accueillent des sites universitaires ou des établissements de recherche. Mais surtout, la loi prévoit que les contrats pluriannuels de site doivent prendre en compte les orientations fixées par les schémas régionaux ainsi que celles fixées par les schémas de développement universitaire ou les schémas d'ESR définis par les communes, leurs intercommunalités, les pôles métropolitains et les départements. Bien que ces collectivités n'aient pas obtenu d'être signataires des contrats de site, ces derniers sont tenus d’associer les Régions et les collectivités concernées.
L'occasion pour le représentant de la FVM, Gilles Craspay, de faire état d'absence de concertation dans certains territoires. L'actuelle élaboration des contrats de plan Etat-Région en étant la « parfaite » illustration…
La FVM est attachée à l’égalité des territoires en matière d’enseignement supérieur et de recherche qui est le corolaire de l’égalité des chances, conditions sine qua non de la cohésion sociale et gage d’insertion professionnelle. Or, force est de constater que demeure une inégalité entre les territoires source d’injustice sociale en matière d’accès à l’enseignement supérieur. Dans une note d’information publiée en février 2014, la Direction de l’évaluation, de la prospective, et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale souligne qu’au moins 20% des 25-64 ans ont au mieux étudié à l’école primaire ou au collège, en Picardie, Champagne-Ardenne, Haute et Basse-Normandie et dans le Nord – Pas-de-Calais. Alors qu’en Bretagne et Midi-Pyrénées le pourcentage atteint 13%. L’Île-de-France se détache des autres régions par une proportion de 25-64 ans diplômés de l’enseignement supérieur long de 27%, soit dix points de plus que la 2e région : Midi-Pyrénées (17%). Il s’avère donc indispensable de faire évoluer les contrats de site, en les enrichissant de dispositions tendant à favoriser l’ouverture sociale de l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle des étudiants. De même qu’il convient de rendre obligatoire la concertation avec les collectivités locales préalablement à toute fermeture de formation supérieure.

 

n°690

09 Avril 2014

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