L'Autorité de la concurrence a rendu publiques, le 27 février dernier, les conclusions de la grande enquête sectorielle qu'elle a menée durant un an concernant le fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional par autocar. Elle préconise l'ouverture plus large de ce marché et recommande notamment que soit mis en place un cadre réglementaire plus clair et plus simple afin de faire bénéficier les consommateurs de ce mode de transport.
Un mode économique et performant
De nombreuses conditions sont réunies pour que les services de transport par autocar sur longue distance se développent en France : qualité du réseau routier français, existence d'une demande potentielle et intérêt des entreprises de transport pour ce marché (Eurolines, iDBUS, Stagecoach, Réunir, etc).
Le développement de l'offre de transport par autocar peut se faire à l'avantage des consommateurs et contribuer à faire croître la demande globale de transport en France. Tout d'abord, il peut permettre de se déplacer davantage, grâce à un réseau plus étendu que le réseau ferroviaire, offrant de nouvelles dessertes de villes.
Il élargit également la demande de transport en ouvrant l'accès au voyage à des consommateurs qui n'ont pas les moyens de se déplacer (étudiants, séniors, personnes à faible revenu, etc.). Enfin, il permet à d'autres consommateurs de voyager à moindre coût et d'opérer ainsi un transfert de pouvoir d'achat.
Le développement du transport par autocar pourrait permettre en définitive de mieux se déplacer sur le territoire, dans des conditions d'accueil et de confort modernes, en diversifiant l'offre de transport et en resserrant le maillage du réseau de transport collectif terrestre.
Des contraintes disproportionnées et un accès difficile aux gares
Bien qu'il présente de nombreux avantages, le transport interrégional par autocar occupe encore une très faible part du transport de voyageurs en France (environ 110 000 voyageurs en 2013, soit 0,0005% du nombre total de voyages longue distance), principalement en raison des contraintes réglementaires qui en grèvent l'efficacité. A titre de comparaison, dans des pays où le marché du transport par autocar est ouvert plus largement, comme la Grande-Bretagne ou la Suède, ce mode représente respectivement 4 % et 5 % des voyages de longue distance.
L’Autorité de la concurrence souligne que le régime de « cabotage » sur ligne internationale – qui est le seul ouvert en France – crée d'importantes contraintes commerciales, pratiques et juridiques pour les opérateurs sur le marché. Par ailleurs, l'objectif poursuivi lors de l'examen d'une éventuelle « atteinte à l'équilibre économique d'une ligne conventionnée » n'est pas défini, pas plus que les critères retenus.
En pratique, les régions se seraient opposées, sans fournir d'analyse détaillée, à l'ouverture de lignes routières, ce que le service autorisateur (le Ministère des transports) n'a pas souhaité remettre en question. Enfin, l'accès aux gares routières est rendu difficile par des situations très différentes et des règles peu transparentes en fonction des gares.
Ces constats conduisent l'Autorité de la concurrence à « réaffirmer l'intérêt d'une ouverture plus large du marché du transport régulier interrégional par autocar ».
Refondre le cadre réglementaire
Les délais d'autorisation et le défaut de transparence du système actuel sont un frein important au développement efficace du marché du transport par autocar. Si le contrôle d'une possible atteinte à des offres conventionnées préexistantes (services ferroviaires TER ou TET notamment) n'est pas illégitime – dans la mesure où il peut répondre à des préoccupations de politique publique telles que le financement de liaisons non rentables ou la garantie qu'elles continueront d'être assurées – ses modalités doivent être revues.
L'Autorité recommande d'abandonner les contraintes du cabotage sur lignes internationales et de prévoir un cadre national qui concilie le développement du transport par autocar longue distance d'initiative privée et la préservation d'offres répondant à des besoins de service public.
L'Autorité propose aussi d’instituer un régime d'autorisation de plein droit pour les liaisons de plus de 200 kilomètres. En effet, sur les trajets de plus de 200 km, l'absence de concurrence entre les modes routier et ferroviaire ne justifie pas qu'un test d'atteinte à l'équilibre économique de services conventionnés soit systématiquement mené.
Par ailleurs, une « ouverture des services sur des liaisons infrarégionales est également souhaitable ». Les régions devraient se voir confier le rôle de service autorisateur pour ces liaisons.
Rendre les gares routières accessibles
L'Autorité de la concurrence recommande par ailleurs une action concernant les gares routières de voyageurs. Le cadre réglementaire, résultant notamment d'une ordonnance datant de 1945, et la diversité des modes d'intervention des différentes collectivités territoriales conduisent à une offre de gares routières limitée et hétérogène. Bien souvent, les autocaristes peinent ne serait-ce qu'à identifier les interlocuteurs pertinents. De plus, les modalités techniques et financières de l'accès à ces infrastructures sont extrêmement variables.
A court terme, un recensement des principales gares routières ainsi qu'une collecte et une centralisation des coordonnées des entités responsables est souhaitable. Des garanties de traitement équitable et non discriminatoire des autocaristes devront ainsi être mises en place.
A plus long terme, une refonte du cadre réglementaire des gares routières est recommandée, tendant à clarifier les responsabilités des collectivités, à redéfinir les différents types d'équipements et à y associer des règles techniques et tarifaires d'accès unifiées et transparentes.
Enfin, pour faire face à ces évolutions, l’Autorité de la concurrence suggère la mise en place d’une autorité administrative indépendante en charge d'une régulation sectorielle multimodale intégrée (transports ferroviaire et routier).
Avis n° 14-A-05 du 27 février 2014 relatif au fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar
http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/14a05.pdf