ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°566 -

Organisation et gestion des polices - La Cour des comptes sans complaisance


La Cour des comptes a rendu public le 7 juillet dernier un rapport sur « l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique ». Ce rapport a provoqué de nombreux remous, parce qu’il met en exergue l’accroissement continu des moyens budgétaires, technologiques et humains, dédiés aux politiques de sécurité publique - depuis le début des années 2000 - « avec des résultats contrastés dans la lutte contre la délinquance, avec un recul des atteintes aux biens, mais une augmentation des atteintes aux personnes ».

Néanmoins, au-delà du sujet sensible des statistiques de la délinquance, la Cour relève que « depuis 2009, l’objectif de stabilisation des dépenses de l’Etat renforce sensiblement le défi à relever, puisque l’exigence d’une plus grande efficacité de la lutte contre la délinquance doit être désormais satisfaite avec des moyens en effectifs et en fonctionnement courant qui diminuent dans les services de police et les unités de gendarmerie ». Dans une logique de baisse des moyens, la Cour souligne donc la nécessité d’optimiser les organisations et la gestion des ressources.

Répartition des effectifs

En ce qui concerne la répartition territoriale des effectifs, la Cour note dans son rapport les importantes inégalités entre les circonscriptions de sécurité publique (CSP), révélatrices de situations de sur ou sous-dotation au regard des niveaux de délinquance.
En particulier, l’implantation des services de police - plutôt que des unités de la gendarmerie départementale (dans des circonscriptions de moins de vingt mille habitants) – « est peu compatible avec l’ajustement des moyens dans les villes les plus exposées à la délinquance ».
Avec un partage du territoire « relativement figé » entre zones police et zones gendarmerie, la Cour suggère l’adaptation des zones de compétences, permettant notamment à la gendarmerie de prendre en charge, dans des conditions moins coûteuses en effectifs, grâce à son implantation départementale, les communes situées dans les CSP « isolées » de moins de vingt mille habitants.

L’essor des polices municipales

Depuis le vote de la loi du 15 avril 1999 sur les polices municipales, celles-ci sont devenues plus nombreuses et leurs effectifs ont été renforcés. En janvier 2010, les effectifs des polices municipales atteignaient 19 370 agents contre 14 300 en janvier 2002, soit une augmentation de 35 %.
Soulignant « l’hétérogénéité des doctrines d’emploi des polices municipales », la Cour des comptes constate que « beaucoup de polices municipales restent cantonnées dans des missions de police administrative et de prévention, d’autres tendent à devenir des forces de substitution de la police nationale ». En zone de police, « le dispositif de coordination aboutit à ce que les services de l’Etat se retirent des missions de surveillance générale de la voie publique, pour se consacrer davantage aux interventions ciblées de lutte contre la délinquance. L’équilibre ainsi établi prend acte du transfert de la police de proximité sous l’autorité du maire et de la priorité donnée à l’action répressive, depuis la LOPSI de 2002, par les forces de sécurité de l’Etat ». 

Vidéosurveillance

Dans son rapport, la Cour estime à environ 10 000 le nombre de caméras de surveillance de la voie publique fin 2010 (à l’exclusion des caméras destinées à surveiller des bâtiments publics, des lieux ouverts au public ou installées dans les transports publics). Le programme de triplement du nombre de caméras (sur 2010 – 2012) représente pour les collectivités territoriales, principalement les communes, un investissement d’au moins 300 millions d’euros, subventionné par le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Les dépenses annuelles d’exploitation se situent au même niveau. L’importance des sommes en jeu justifie donc que l’efficacité de ces dispositifs soit mieux évaluée. 
Au regard des textes en vigueur, la Cour relève encore que les préfets n’appliquent qu’imparfaitement leurs missions « quand ils autorisent l’installation de systèmes de vidéosurveillance de la voie publique, sans appliquer les exigences prévues quant à la qualité des personnes habilitées à visionner les images ».
En pratique, il est opéré une gestion souple des dispositifs, notamment pour les communes dépourvues de police municipale, qui y affectent des personnels de leur choix. « Cela constitue néanmoins une infraction à l’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 et au code général des collectivités territoriales ».

Recommandations

Dans ses conclusions, la Cour insiste sur la hausse sensible des budgets consacrés par les collectivités locales aux missions de sécurité publique et de prévention de la délinquance.
La grande diversité de doctrines d’emploi des polices municipales appelle un renforcement de leur professionnalisation, notamment par un effort accru de formation.
Encouragé par l’Etat, le recours croissant à la vidéosurveillance « ne peut se substituer à l’action des forces de sécurité étatiques ». Et la Cour de préciser que « la charge financière et la gestion des dispositifs incombent, pour l’essentiel, aux communes ». 
La Cour formule enfin plusieurs recommandations visant à : 
- poursuivre l’amélioration du système de mesure de la délinquance ;
- mieux répartir les policiers et les gendarmes sur le territoire ;
- améliorer la formation et le contrôle des policiers municipaux ;
- accroître la disponibilité et optimiser les coûts des forces de sécurité de l’Etat ;
- mieux encadrer le développement de la vidéosurveillance.
 

n°566

20 Juil 2011

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Président : Gil Avérous

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Guillaume Ségala

Rédaction
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