ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°103 -

Polices municipales, évitons le mélange des genres


Dans le cadre de l’état d’urgence, les plus hautes instances, de même que les préfets demandent aux maires, et par ricochet aux polices municipales, leur concours pour la régulation des manifestations publiques, comme toutes les mesures utiles permettant l’interdiction de circulation des personnes et des véhicules dans des lieux donnés (menaces sociales, Zadistes, …). Depuis les attentats de cet été – et les polémiques nées au sujet des missions respectives assurées par la police nationale et la police municipale de Nice – l’actualité de ce week-end montre aussi l’importance du rôle que doit jouer la vidéo-protection, qui relève pour l’essentiel de sa gestion dans les espaces publics, du maire, sous l’autorité du préfet et du procureur de la République.
Toujours pour renforcer l’ordre public, les syndicats de policiers municipaux, dans leur quasi-unanimité veulent que soient revues les compétences et l’étendue de « leurs pouvoirs ». Ils souhaitent que soit « généralisé leur armement », et pour les polices municipales déjà armées, celles-ci souhaitent « être équipées comme la police nationale ». Une véritable course à l’armement, mais justement, pourquoi faire ?
Jusqu’à preuve du contraire, la loi prévoit qu’en notre qualité de maire, d’officier de police judiciaire, d’employeur des policiers municipaux - chargés comme le prévoit la législation de faire respecter les arrêtés que nous prenons dans le cadre de nos pouvoirs généraux de police - la décision de l’armement relève de notre seule autorité, avec une procédure de formation et d’agrément prévue auprès du procureur de la République. Face à ces évolutions qui ne sont pas du tout neutres en termes de responsabilité pénale (NB en cas d’accident ou de faute), nous avons justement dernièrement débattu de cette question au sein du Conseil d’administration de Villes de France.
Et sur le terrain de l’armement, les tendances qui s’expriment sont relativement « clivées » au sein de notre réseau. Une majorité de maires des villes de France - toutes tendances politiques confondues - est tout à fait opposée à l’armement de la police municipale, car au-delà du coût que cela représente, cela risque de conduire l’Etat à se décharger de ses missions de maintien de l’ordre public, vers les polices municipales. A l’inverse de cette position, d’autres maires assument, et sont satisfaits d’avoir fait le choix de l’armement (catégories B, C, ou D) de leur police municipale. Ils invoquent l’intérêt de protéger d’abord leurs agents et l’aspect dissuasif, qui n’est pas superflu dans le contexte national de menace terroriste. Les attentats, sans compter leurs auteurs, peuvent survenir dans tous les types de territoires, comme à Saint-Étienne-du-Rouvray (près de 29 000 habitants), et pas seulement dans les grandes métropoles.
Au niveau des principes, Villes de France estime que la police municipale doit en tout cas continuer à agir en complémentarité - et non en subordination - de la police nationale ou de la gendarmerie. Il ne faudrait pas que l’armement des agents municipaux soit justement un prétexte pour compenser le manque de postes des forces de l’ordre. Beaucoup de maires sont enfin attachés à la distinction entre la mission de gestion de la sécurité publique assurée par la police nationale ou la gendarmerie (qui relève du préfet), et celle de la police municipale, c’est-à-dire le respect de la tranquillité publique.
Constatant que le consensus sur la question de l’armement était difficile à trouver - et sachant que la variété des situations locales prime en réalité (missions de nuit, îlotage, quartiers socialement dégradés…) - nos maires sont unanimes pour dire que l’Etat ne doit pas se décharger sur les villes de ses missions régaliennes, et imposer un modèle unique au niveau national sur la question de l’armement, dont la seule décision relève du niveau local.

Caroline Cayeux
Sénateur-maire de Beauvais
Présidente de Villes de France

 

n°103

12 Oct 2016

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