ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°103 -

Retraites des fonctionnaires, la zone rouge arrive


Plus de 10 ans après un précédent rapport consacré aux seules retraites des fonctionnaires de l’État, la Cour des comptes a examiné et dévoilé la semaine dernière son analyse sur le système de retraite des fonctionnaires, en élargissant son approche aux agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière.
Les réformes significatives mises en œuvre depuis 2003 ont contribué à rapprocher progressivement ces régimes de ceux des salariés du secteur privé sur des points majeurs, notamment les âges de départ en retraite, et le taux de remplacement des pensions par rapport aux rémunérations d’activité, mais pour la Cour, les progrès accomplis restent fragiles et partiels, notamment au regard de la soutenabilité financière des régimes, et de la poursuite du mouvement de convergence entre retraités de la fonction publique et du secteur privé.
Etat des lieux
Les deux régimes de pensions des fonctionnaires civils de l’État, d’une part, et des collectivités locales et établissements publics de santé, d’autre part, concernent 3,8 millions de fonctionnaires en activité et près de 3 millions de retraités.
Ils constituent un enjeu important pour les finances publiques : 58 milliards d’euros (Md€) de dépenses en 2014 – dont 41,3 Md€ pour l’État et 16,9 Md€ pour la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) – soit 5,6 % de l’ensemble des dépenses des administrations publiques et 17,1 % de leurs charges de fonctionnement.
Ces dépenses se sont fortement accrues au cours des 25 dernières années, sous l’effet d’une croissance des effectifs de pensionnés et d’une progression continue du montant des pensions servies, conduisant  à une majoration de plus de 40 points du taux de contribution employeur de l’État et à une fragilisation de la situation financière de la CNRACL.
Même en tenant compte des effets de champs de dépenses et des différences de situations démographiques, les cotisations employeurs sont nettement plus élevées pour les régimes de la fonction publique que pour ceux du secteur privé.
S’agissant des différentes réformes intervenues depuis 2003, la convergence des règles entre les régimes de la fonction publique et ceux des salariés du secteur privé est aujourd’hui une réalité sur des points essentiels : les âges d’ouverture des droits pour les fonctionnaires sédentaires, la durée d’assurance ou les règles de la décote et de la surcote sont désormais harmonisés. Les cotisations des fonctionnaires sont en cours d’alignement sur celles du secteur privé. Nombre de mesures ont été également prises pour remettre en cause certains mécanismes spécifiques à la fonction publique. Des réformes de gestion importantes ont été engagées, avec l’institution du compte d’affectation spéciale Pensions, la création du service des retraites de l’État, et la modernisation de la gestion de la CNRACL.
Pour la Cour des Comptes, en dépit de ces évolutions, des différences significatives demeurent entre les régimes de la fonction publique et ceux du secteur privé. Elles concernent l’organisation institutionnelle, les modalités de calcul de la pension, l’assiette des rémunérations prises en compte et le taux de liquidation. Elles portent également sur les droits familiaux et conjugaux, et la prise en compte du temps de travail pour la durée d’assurance. Enfin, plus de 700 000 fonctionnaires relevant des « catégories actives », car ils exercent un métier présentant des risques particuliers ou des conditions de travail difficiles, peuvent bénéficier d’un départ précoce en retraite, système sans équivalent dans le secteur privé.
Des progrès fragiles
L’alignement de plusieurs règles des régimes de la fonction publique sur celles des régimes du secteur privé a facilité une réelle convergence entre retraités. L’âge effectif du départ à la retraite des fonctionnaires a reculé de deux ans et est désormais pratiquement identique à celui des salariés du secteur privé pour les fonctionnaires sédentaires. Il reste toutefois beaucoup plus précoce, de quatre années en moyenne, pour les agents relevant des catégories actives. Cette situation peut poser un problème d’équité dès lors qu’elle concerne des métiers présents aussi bien dans la fonction publique que dans le secteur privé.
En dépit de la persistance de règles de calcul différentes, la convergence des deux systèmes de retraite pourrait être remise en cause par la dégradation attendue du taux de remplacement dans le secteur privé, du fait du calcul de la pension sur la base des 25 meilleures années pour le régime général et de la totalité de la carrière salariale pour les retraites complémentaires, alors que le calcul de la pension sur la base des six derniers mois de traitement indiciaire pourrait, à niveau de primes constants, préserver celui des fonctionnaires.
Du fait de leur dégradation démographique et des avantages spécifiques à certaines catégories de fonctionnaires, leurs régimes de retraite vont en tout état de cause continuer à peser sur les finances publiques. Le retour à l’équilibre du régime des fonctionnaires de l’État n’est envisageable qu’au prix du maintien d’un taux de contribution élevé, pesant sur les dépenses de l’État. Pour sa part, la CNRACL devra impérativement relever ses taux de cotisations, à règles inchangées, pour rester à l’équilibre.
Des évolutions à poursuivre
Pour prévenir ces risques, la Cour identifie ainsi sept leviers en vue d’ajuster progressivement certains paramètres de calcul des pensions des fonctionnaires, comme l’allongement de 5 à 10 ans de la période de référence, l’élargissement de l’assiette des cotisations et de calcul des pensions par l’intégration d’une partie des primes, la suppression de certaines bonifications, l’évolution de différentes règles relatives aux catégories actives, l’harmonisation progressive des droits familiaux et conjugaux.

 


Enfin, la Cour formule différentes recommandations afin de renforcer la gouvernance des régimes et leur pilotage financier. La création d’une caisse de retraite des fonctionnaires d’État et le renforcement des capacités autonomes de direction et d’expertise de la CNRACL constitueraient à cet égard des progrès importants.
Recommandations
La Cour formule huit recommandations visant notamment à :
• créer à l’horizon de trois ans une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État ;
• réduire le nombre de centres de gestion régionaux et étudier leur concentration en un seul pôle ;
• créer une direction autonome de la CNRACL sous l’autorité de son conseil d’administration ;
• doter la CNRACL d’objectifs d’économies de gestion plus ambitieuses ;
• examiner les possibilités de mettre en place une contribution majorée dont seraient redevables les employeurs de fonctionnaires relevant des catégories actives ;
• affiner l’incidence et les modalités de mise en œuvre des sept leviers d’ajustements des régimes de retraite des fonctionnaires qu’elle a identifiés.
Consulter le rapport

n°103

12 Oct 2016

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Directeur de la publication
Président : Gil Avérous

Directeur de la publication
Jean-François Debat

Rédacteur en chef
Guillaume Ségala

Rédaction
Armand Pinoteau, Margaux Beau, Arthur Urban, Anaëlle Chouillard

Secrétariat
Anissa Ghaidi