ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°410 -

Rapport du Conseil national de l\'habitat - Pour une plus grande territorialisation de la politique du logement


La décentralisation des politiques de l\'habitat a fait l\'objet de deux rapports intermédiaires du Conseil national de l\'habitat (CNH) en 2004 et début 2007. Entre temps, les délégations des aides à la pierre se sont développées (il y a aujourd\'hui 100 délégataires EPCI et départements). Depuis le dernier rapport intermédiaire est intervenu le vote de la loi sur le droit au logement opposable. La mise en œuvre de ce droit imposant une véritable urgence de l\'action, la ministre du Logement a demandé au CNH de rendre un rapport assorti de propositions concrètes sur la territorialisation des politiques de l\'habitat permettant de mettre en place la meilleure coordination entre les acteurs pour faire face aux questions les plus aiguës. Dans le cadre de cette commande, le CNH a raisonné pour l\'essentiel à droit constant. Le rapport final a été rendu public début 2008.

La territorialisation, un enjeu majeur
Alors qu’il souligne le rôle fondamental de l’État, garant des solidarités nationales, le CNH insiste sur l’enjeu essentiel que constitue la territorialisation des politiques de l\'habitat, et ce à plus d’un titre.

- La situation des marchés locaux, les besoins des ménages, la structuration des jeux d\'acteurs, sont si divers que seule la territorialisation de ces politiques à un échelon pertinent permettra d\'atteindre la meilleure efficacité.

- La coopération intercommunale permet d\'assurer la mise en cohérence des différentes politiques conduites localement : développement économique, transport, services environnementaux et logement. Fortement engagées dans les politiques locales de l\'habitat les communautés, en milieu urbain, s’imposent  comme chefs de file, ce qui les met en position de négocier la territorialisation des politiques nationales du logement avec l\'État et l\'ensemble de partenaires et acteurs locaux impliqués.
- Les départements ont également un rôle important dans les secteurs ruraux où l\'intercommunalité est peu développée, mais aussi pour assurer l\'équilibre indispensable entre les différents besoins d\'habitat du département.

- L\'État doit affirmer sa stratégie nationale, et donner à ses services déconcentrés les moyens et les marges de manœuvre nécessaires pour la décliner en lien avec les collectivités, en développant sa capacité de négociation. Mais lorsqu’une collectivité est gravement défaillante, il ne doit pas hésiter à s\'y substituer. Il doit être attentif aux territoires hors délégation et renforcer la dimension d\'aménagement du territoire de la politique du logement.

- Compte tenu de son rôle de garant des solidarités, la politique de l\'habitat reste indiscutablement une politique qui doit être orientée et soutenue par l\'État au moyen d\'aides budgétaires et fiscales à l\'investissement, d\'aides à la personne et à travers la législation.

- Territoires d\'exception tant par leur situation institutionnelle que par l\'ampleur des difficultés de logement, l\'Ile-de-France et l\'Outre-mer exigent des solutions particulières (lire brève p.3).

Le CNH ne croit pas qu\'un retour en arrière, par « recentralisation », soit possible. Mais, il attire l\'attention sur le risque de maintenir, voire d\'accentuer, le déplacement de la responsabilité et de la charge financière vers les collectivités, tout en entretenant l\'illusion d\'un contrôle renforcé de l\'État par un surcroît de procédures. « Ceci déstabiliserait les solutions efficaces, ajouterait de la complexité, et découragerait les bonnes volontés dans les sites où les politiques locales de l\'habitat sont efficaces, sans régler les cas où les acteurs locaux sont défaillants. » Aussi, le CNH préconise une approche sollicitant au maximum la volonté et l\'efficacité des acteurs locaux, tout en permettant à l\'État de jouer au mieux son rôle de garant. Sans sacrifier l\'équité territoriale, le CNH, qui s’est appuyé sur l’analyse de cas concrets, propose de favoriser l\'expérimentation et l\'adoption de solutions adaptées aux territoires : la territorialisation renvoie en effet à la diversité des solutions plutôt qu\'au modèle « classique » de décentralisation.

Approfondir la logique de territorialisation
Si le besoin d\'une offre de logement abordable et de qualité est un élément commun, la manifestation de ce besoin revêt des formes diverses suivant les marchés locaux, et les jeux d\'acteurs sont également divers : les délégataires s\'investissent et mettent donc en œuvre des solutions différentes. Mais, à partir de l\'étude des sites concernés, il apparaît que l\'outil que constitue la délégation a accéléré la coordination, et les « bons exemples » font apparaître des critères de réussite :
- l\'affirmation par la collectivité locale d\'une volonté au service d\'une vision stratégique de la politique du logement ;
- la qualité et la structuration des partenariats entre les acteurs ;
- la mise en place de moyens humains et d\'outils techniques.

La territorialisation des politiques du logement permet donc, dans le respect de règles nationales, de tenir compte de la réalité des situations, et de s\'appuyer sur la mobilisation, à l\'échelon pertinent, des collectivités locales et de leurs partenaires. Elle permet le développement de la contractualisation pour leur mise en œuvre, ainsi que les ajustements aux besoins identifiés.

Tous les acteurs locaux (publics, privés et associatifs) et leurs représentants nationaux réunis au sein du CNH s\'accordent sur l\'impératif d\'une politique de solidarité nationale volontariste et de développement de l\'offre, seule capable de porter l\'ambition collective de loger dans la mixité sociale tous les ménages et de corriger les disparités entre les territoires. Mais, ils demandent une meilleure articulation entre politiques nationales et stratégies locales de l\'habitat. Les attentes exprimées par les acteurs locaux confirment le souhait d\'une prééminence du projet local sur la procédure. Le CNH émet plusieurs propositions en ce sens dans son rapport.

Par ailleurs, la mise en œuvre de cette territorialisation sur l\'ensemble du territoire implique :
- D\'achever la carte de l\'intercommunalité, et d\'encourager sa mise en cohérence avec les bassins de vie, celle-ci ayant vocation à être le pivot des politiques contractuelles territorialisées.
- De traiter les territoires « restants », qui risquent de voir les besoins en habitat de leurs populations moins bien relayés. Le cas des territoires interstitiels est le plus délicat, là où il n\'existe pas encore de PLH approuvé. Il convient de veiller à ce que le système délégataire ne soit pas, faute d\'attention, un facteur aggravant de disparités territoriales.

Développer de nouveaux outils
L\'approfondissement de la territorialisation nécessite de :
1. Renforcer la cohérence entre le PLH et les documents d\'urbanisme et du droit des sols.
2. Développer des outils territorialisés de programmation, d\'instruction et d\'observation.
3. Organiser la compétence autour d\'un chef de file.
4. Développer la territorialisation des moyens financiers. De nombreux progrès reste à faire pour un meilleur pilotage des moyens financiers au niveau local, afin de mieux les adapter aux réalités locales et de les rendre plus efficaces. Le rapport fait des recommandations en matière d\'aides à la personne, d\'aides à la pierre, d\'aides fiscales, et aussi de prêts de la Caisse des dépôts et des aides du 1% logement.
5. Optimiser et fluidifier la chaîne du logement dans le neuf comme dans l\'existant.

Actualiser la place et le rôle de l\'État
L\'État au niveau national doit rester maître de la stratégie en matière d\'habitat, de solidarité et d\'équité territoriale. L\'État déconcentré doit disposer de marges de manœuvre pour contractualiser et aussi de moyens pour jouer son rôle de garant de la solidarité, des grands équilibres et de la mixité sociale. Il reste en effet « arbitre et gendarme ». Il doit disposer d\'une organisation et de moyens pour permettre aux services déconcentrés de jouer ce rôle.
S\'agissant de l\'application de l\'article 55 de la loi SRU tel que modifié par la loi ENL de juillet 2006, le CNH demande la mise en place des commissions départementales et nationales. Quant aux délégations de compétences, le CNH considère que le non-renouvellement de la convention de délégation devrait faire l\'objet d\'un examen au niveau national par le ministre du Logement, qui consulterait, à partir d\'un dossier instruit par l\'administration, un comité constitué des principales organisations représentées au CNH.

La synthèse du rapport du CNH est en téléchargement sur : www.logement.gouv.fr/

n°410

19 Mars 2008

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Directeur de la publication
Président : Gil Avérous

Directeur de la publication
Jean-François Debat

Rédacteur en chef
Guillaume Ségala

Rédaction
Céline Juteau, Armand Pinoteau, Margaux Beau, Arthur Urban

Secrétariat
Anissa Ghaidi