ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°162 -

Avenir de la fiscalité locale : Villes de France à nouveau entendue par la mission Richard-Bur


Après un premier rendez-vous début novembre (voir notre édition d’Ondes Urbaines n° 153), la même délégation d’élus de Villes de France* a rencontré les membres de la mission Richard-Bur, ce mercredi 24 janvier dernier, sur le thème de l’avenir de la fiscalité locale.
Si l’on s’en tient aux premières orientations concernant cette nouvelle refonte de la fiscalité locale (note de problématique IGF-IGA), la mission estime que la disparition programmée de la taxe d’habitation ne remet pas en cause la pertinence de la révision des valeurs locatives. Un principe pour lequel les représentants de Villes de France ont indiqué être en phase, la présidente de Villes de France ajoutant que « l’administration fiscale doit continuer à calculer, émettre et recouvrer les impôts directs locaux ». En effet si l’on additionne la TH (21,9 milliards d’euros), le foncier bâti (32 milliards d’euros) et la TEOM (6 milliards), on avoisine en 2016, 60 milliards d’euros de fiscalité locale, assis sur des valeurs locatives « injustes et obsolètes ». Caroline Cayeux a précisé que « dans tous les cas, cette remise à plat de la fiscalité, devrait s’articuler avec une réforme des concours financiers de l’État aux collectivités locales, qui utilisent d’ailleurs des critères de mesure fiscaux, comme le potentiel financier ou l’effort fiscal ».
Pas d’impôt résidentiel en substitution
La mission considère que la suppression complète de la TH qui se chiffre à environ 24 milliards d’euros (et dont il manquerait environ 9 milliards d’euros à financer sur la trajectoire budgétaire actuellement programmée) ne doit pas avoir pour conséquence la substitution d’un nouvel impôt local « résidentiel ».
Un parti-pris avec lequel les membres de Villes de France sont plus réservés. Les membres de la délégation ont en effet insisté pour dire qu’il était indispensable de garder un lien entre les résidents et le décideur local, parce qu’il s’agit d’un fondement de la démocratie locale, et de l’organisation décentralisée de la République.
Scénarios possibles
Parmi les deux options privilégiées par la mission figurent la réallocation des ressources fiscales entre les différentes catégories de collectivités, ou bien, l’affectation d’une fraction d’impôt national (type TVA, impôt sur le revenu ou CSG) en complément d’une redistribution entre collectivités.
En cas de réallocation de ressources, l’hypothèse la plus probable, consisterait à transférer la fraction départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (13,8 milliards d’euros) vers le bloc communal (ce à quoi l’ADF est naturellement opposée). Les communes et EPCI bénéficieraient alors d’un pouvoir de taux et d’assiette équivalent à celui de la TH dégrevée pour 80% des redevables. Un inconvénient de taille : le risque de renforcement de la pression fiscale pesant sur les propriétaires au niveau local.
En cas de suppression intégrale de la taxe d’habitation (pour 24 milliards d’euros), aucune des impositions actuelles de niveau départemental ou régional comme la TFPB (pour 13,8 milliards d’euros), la CVAE (12,9 milliards), les DMTO (8,9 milliards), la TSCA (7 milliards) ou les IFER (0,9) ne sauraient suffire. Dès lors, la voie du panachage entre la taxe foncière départementale et le partage d’une des principales impositions d’État serait alors un autre scénario possible.
L’attribution de cet impôt pouvant correspondre (d’après la jurisprudence du Conseil Constitutionnel) à une part d’impôt national ou à un taux additionnel, ces ressources étant alors assimilées aux ressources propres dont les collectivités disposent. Pour mémoire, la TVA a représenté 150 milliards d’euros de produits en 2017, l’impôt sur le revenu (72,5 milliards d’euros), l’impôt sur les sociétés (28,4) et la CSG (99 milliards).

 


Préserver les équilibres
Ne voulant pas rentrer dans une logique qui consisterait à indiquer quel niveau de collectivité locale déshabiller pour répondre à un engagement pris par l’exécutif concernant la taxe d’habitation, les membres de la délégation de Villes de France se sont cantonnés aux principes et à la nécessité de préserver l’équilibre des budgets locaux.
En préambule, la présidente de Villes de France, a précisé ne pas souhaiter davantage de spécialisation des types d’imposition selon les niveaux de collectivités, avec au minimum un impôt ménage et un impôt économique pour le bloc communal. Au titre des constats, Caroline Cayeux a souligné que « l’altération dans le temps des dégrèvements et compensations fiscales - qui est malheureusement presque une constante en matière de finances publiques locales – ou même leur remise en cause, constitue une gène considérable pour les villes ».
Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et président délégué de Villes de France, a pour sa part souligné que la population des Villes de France a des impositions locales par habitant globalement élevées, du fait de leur charges de centralité (équipements scolaires, culturels et sportifs…). Et à ces différences de charges, s’ajoutent des différences de contribution fiscale des ménages, beaucoup plus importantes en valeur absolue (en euros rapportés aux revenus moyen, hormis quelques villes du littoral méditerranéen et Atlantique) et qui tendent à croître en fonction de la taille de la commune, pour diminuer au niveau des métropoles. Tous les écarts doivent être objectivés en fonction de ces deux paramètres (charges et niveaux des revenus) non-seulement entre strates, mais aussi entre collectivités de même strate.
Le président délégué de Villes de France a également insisté pour que les villes moyennes aient « des modalités de compensations qui soient claires (au niveau de la TH) et une évolutivité minimale des ressources, pour avoir des marges de manœuvre sur le moyen terme ». Il a regretté que l’annualité budgétaire des lois de finances, puisse défaire d’une année sur l’autre, les engagements de l’État.
Jacques Lamblin, maire de Lunéville, a souligné quant à lui, qu’il était beaucoup question de l’autonomie financière, mais qu’il fallait aussi évoquer l’étroitesse de l’autonomie de la dépense locale. Il estime à son niveau que la moitié voire les trois-quarts des dépenses ne sont pas décidées librement.
Il souligne qu’ « une refonte de la fiscalité locale entraîne une exigence, celle de faire une péréquation d’ampleur ». Le maire de Lunéville précise que « l’État doit pouvoir s’engager sur des objectifs quantifiés de réduction des inégalités, tant en matière de fiscalité que de dotations ». Il juge qu’un mécanisme de partage de la TVA à un niveau national - qui a l’avantage de correspondre à l’évolution de la richesse ou de la croissance nationale - aurait le mérite de la simplicité, et permettrait une péréquation plus évidente que celle mise en œuvre par le FPIC actuellement.
Effets collatéraux non résolus
Enfin, outre le financement de cette réforme, plusieurs effets « collatéraux » ou techniques ont également été mis en relief sans propositions à ce stade. Il s’agit :
  - de l’avenir de la règle de lien entre les taux ménages et le taux pesant sur les entreprises à travers la CFE ;
  - du risque de report sur les taxes foncières (TFPB et TFPNB) et sur la CFE de l’intégralité de la charge des taxes additionnelles, dont la TH sert aujourd’hui de support (taxes spéciales d’équipement, taxe Grand Paris, taxe Gemapi…) ;
  - de la contribution à l’audiovisuel public (3,9 milliards d’euros dans le PLF 2018) recouvrée sur le même rôle que la TH ;
  - et de l’impact enfin de la réforme de la TH sur les mécanismes locaux (attributions de compensation et dotations de solidarité communautaire).
* La délégation de Villes de France était composée de Caroline Cayeux, maire de Beauvais, présidente de Villes de France, Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse, président délégué, et de Jacques Lamblin, maire de Lunéville.

n°162

31 Jan 2018

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