ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°194 -

Prévention des immeubles dégradés ou dangereux : des outils juridiques pour les maires



Par Claisse & Associés

L’actualité récente à Marseille et Charleville-Mézières nous rappelle tristement le fléau du logement dégradé qui concerne, d’après la Fondation Abbé Pierre, près de deux millions de logements en France.
En cas de dégradation importante des immeubles, les maires peuvent mobiliser divers outils juridiques leur permettant d’intervenir sur le bâti pour traiter l’habitat indigne et/ou dangereux et réaliser le renouvellement urbain. Dans le cadre du projet Initiatives Cœur de Ville lancé par le Cabinet d’avocats Claisse & Associés, Me Amine Moghrani, avocat associé, détaille pour Ondes Urbaines ces outils.

Pouvoir de police générale du maire
Art. L 2212-2 et L 2212-4 CGCT
En dehors des procédures spécifiques prévues par différents textes, le maire dispose d’une faculté générale de procéder à la démolition des ouvrages dangereux « en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent » et « peut quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l’exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées » (voir, dans un cas de démolition d’un immeuble ancien gravement endommagé par un incendie compte tenu de la nature de ses matériaux et de son état après le sinistre, CE 10 octobre 2005, req. n° 259205).
Cette faculté générale reste toutefois limitée aux situations extrêmes au regard de risques importants et immédiats pour la sécurité des personnes et des biens.

Procédures de péril
Art. L 511-2 et L 511-3 code de la construction et de l’habitation
Cette disposition permet au maire de prescrire la démolition des mûrs, bâtiments ou édifices menaçant ruine qui pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou plus généralement qui n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique.
Les textes distinguent deux procédures de péril :
- la procédure de péril ordinaire : permet au maire de prendre un arrêté de péril mettant en demeure le ou les propriétaire(s) de l’immeuble d’effectuer les travaux nécessaires ou la démolition de l’immeuble ;
- la procédure de péril imminent : permet au maire de demander au juge en référé de nommer un expert en vue d’examiner le bâtiment, et de proposer des mesures de nature à mettre fin à l’imminence du péril.
A noter qu’un maire ne peut ordonner la démolition des bâtiments concernés que dans le cadre de la procédure de péril ordinaire (L. 511-2) mais pas dans le cadre de la procédure de péril imminent (L. 511-3) en application d’une jurisprudence constance (CE 6 novembre 2013, req. n° 349245 - CE 5 mai 2014, req. n° 361319 : Mentionné aux Tables du Rec. CE).
En cas de péril imminent, le maire ne peut prescrire la démolition que sur le fondement de ses pouvoirs de police générale CE 10 octobre 2005, req. n° 259205), étant précisé que ce même arrêt a également précisé les modalités pratiques d’intervention du maire :
- procédure de péril lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres ;
- pouvoirs de police générale du maire lorsque le danger provoqué par un immeuble provient de causes qui lui sont extérieures.

Bâtiments insalubres
Art. L 1331-26 code de la santé publique
Cette procédure est engagée par le préfet lorsqu’un immeuble présente un danger pour la santé ou la sécurité des occupants et donne lieu à un rapport sur la réalité et les cause de l’insalubrité ainsi que les mesures propres à y remédier.

 


Et lorsqu’a été constaté le caractère irrémédiable de l’insalubrité, l’article L. 1331-28 du Code de la santé publique permet au représentant de l’Etat d’ordonner l’interdiction définitive d’habiter et la démolition de l’immeuble.
Par ailleurs, les articles L. 511-1 et suivants du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoient une procédure spécifique d’expropriation des immeubles ayant été déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l’article L. 1331-25 ou L. 133-28 du Code de la santé publique ou s’ils ont fait l’objet d’un arrêté de péril assorti d’une ordonnance de démolition ou d’une interdiction définitive d’habiter.

Bien sans maître et succession en déshérence
Art. L 1123-1 et L 1121-3 CGPPP
Les biens sans maître définis à l’article L. 1123-1 du CG3P peuvent être incorporés dans le domaine communal à l’issue d’une procédure décrite à l’article L. 1123-3, ce qui permet ensuite d’agir effacement contre les nuisances et périls compte tenu du transfert de propriété, et éventuellement de procéder à la démolition.
S’agissant toutefois des successions en déshérence, seul l’Etat peut y prétendre en application de l’article L. 1121-1 du CG3P.
Le maire peut toutefois intervenir lorsqu'un immeuble entrant dans une succession présente des risques de péril et mettre en œuvre la procédure de péril (articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation).
À défaut de connaître l'adresse des propriétaires ou titulaires de droits réels sur les immeubles ou lorsque leur identification se révèle impossible, la notification de l'arrêté de péril est réputée être valablement effectuée, par affichage à la mairie de la commune où est situé l'immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l'immeuble en application des dispositions de l'article L. 511-1-1 du code de la construction et de l'habitation.
Dans cette hypothèse, la commune se substitue au propriétaire défaillant et agit en ses lieux et place et à ses frais, ce qui permet de disposer de moyens d'action dans le cas où la succession rend difficile l’identification des propriétaires privés.

Copropriétés en difficultés irrémédiables
Art L. 615-1 du code de la construction et de l’habitation
Ce dispositif permet, lorsqu’un immeuble ou groupe d’immeubles à usage d’habitation ou mixte sous régime de la copropriété est confronté à de graves difficultés sociales techniques et financières, au représentant de l’Etat (à la demande notamment du maire), de confier à une commission le soin d’élaborer un diagnostic de la situation et de proposer un plan de sauvegarde.
Lorsque la saisine de la commission est demandée par le maire, il peut présenter soit un projet simplifié d’acquisition publique en vue de l’expropriation des parties communes, soit la réhabilitation, soit la démolition totale ou partielle de ou des immeuble(s) concerné(s).

Me Amine Moghrani
Avocat associé – Cabinet Claisse & Associés

Projet Initiatives Cœur de Ville
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n°194

14 Nov 2018

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