ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°15 -

La grande vitesse ferroviaire : un modèle au ralenti


La Cour des comptes a rendu public, le 23 octobre dernier, un rapport sur la grande vitesse ferroviaire. Le succès technique et commercial du TGV est certain, au moins jusqu’à une date récente, et les voyageurs qui l’empruntent apprécient sa rapidité.
Mais, au-delà de ce constat, la Cour des Comptes dans son analyse évalue l’apport réel de la grande vitesse ferroviaire pour la collectivité dans son ensemble. Au terme de son enquête, la Cour considère que le choix de nouvelles lignes à grande vitesse pour assurer le transport en commun des voyageurs sur grande distance doit être entouré de plus de garanties de pertinence et de rentabilité.

 

Un choix systématique
La Cour constate que le développement du TGV s’est opéré en substitution des trains à grande distance classiques Intercités. La préférence française avérée pour la grande vitesse a abouti à un système peu cohérent, où les rames de TGV desservent 230 destinations et passent 40% de leur temps en moyenne sur les lignes classiques, ce qui nécessite en outre un parc important de rames.
Sur certaines liaisons, les principales conditions de pertinence d’une ligne à grande vitesse (LGV) ne sont pas remplies, à savoir : connexion de bassins de population importants, durée de trajet à grande vitesse comprise entre 1h30 et 3h, peu ou pas d’arrêts intermédiaires, grande fréquence de circulation, taux d’occupation des rames élevé et bonne articulation avec les autres modes de transports.
Le processus de décision qui conduit à créer de nouvelles lignes comporterait en outre de nombreux biais favorisant le choix de la grande vitesse : les schémas directeurs deviennent en pratique contraignants, les hypothèses de trafic et la valorisation du temps gagné sont trop optimistes, des annonces prématurées tiennent lieu de décision, les acteurs locaux poussent le projet, mais l’appel aux collectivités territoriales pour le financement implique des contreparties coûteuses, et le plan de financement de la ligne intervient beaucoup trop tardivement. « Enfin, l’atout environnemental du TGV en exploitation, les effets sur les territoires et le développement économique des zones desservies doivent être relativisés. Il s’ensuit que la rentabilité socio-économique des lignes à grande vitesse est systématiquement surestimée ».
Un modèle de moins en moins rentable
Depuis 2008, la fréquentation du TGV connaît une stagnation, qui se reflète dans celle du chiffre d’affaires de l’activité TGV au sein de la SNCF. De plus, la rentabilité des lignes diminue au fil de nouveaux projets de plus en plus coûteux. En outre, la concurrence d’autres modes de transport (autocar, covoiturage) se développe.
La SNCF est par ailleurs confrontée à l’augmentation de ses coûts, en raison de l’accroissement des péages (+8,5 % par an en moyenne sur la période 2007-2013) mais aussi de celui des coûts hors péages (+6,2 % par an sur 2002-2009), y compris celui de la masse salariale.
Dans ce contexte, la marge opérationnelle de l’activité TGV s’est sensiblement dégradée, de 29 % du chiffre d’affaires en 2008 à 12 % en 2013.
De son côté, le haut niveau d’endettement de Réseau Ferré de France (RFF) l’empêche de financer de nouvelles lignes par emprunt. Par ailleurs, la suspension de l’écotaxe, dont l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) devait recevoir le produit, prive cette dernière de ressources, alors qu’elle n’a déjà pas été en mesure d’honorer ses engagements budgétaires en 2013. Le financement des projets de LGV déjà décidés n’est donc pas assuré.
Recommandations
Au terme de son analyse, la Cour formule huit recommandations – qui auront dans tous les cas des répercussions au niveau des Villes de France - visant notamment à :
1. mieux intégrer la grande vitesse aux choix de mobilité des Français, en insérant le TGV dans une offre tirant parti de l’ensemble des moyens de transport, et en levant les restrictions à la concurrence des modes de transport longues distances routiers ;
2. restreindre progressivement le nombre d’arrêts sur les tronçons de LGV et de dessertes des TGV sur voies classiques et extrémités de lignes, en ne conservant que celles justifiées par un large bassin de population ;
3. assurer la transparence des données de la SNCF, en particulier la fréquentation par ligne ;
4. faire prévaloir l’évaluation socio-économique des projets de LGV annoncés ;
5. ne décider du lancement des études préliminaires qu’après :
   - la définition d’un plan d’affaires pour la ligne, associant le gestionnaire d’infrastructure et le ou les opérateurs ferroviaires ;
   - la prise en compte par une décision interministérielle formelle des perspectives de financement du projet d’infrastructure et la répartition entre les acteurs (État, RFF, éventuellement collectivités territoriales) ;
6. veiller au paiement par l’Afitf de ses engagements financiers vis-à-vis de RFF et clarifier rapidement la question des ressources de cette agence ;
7. concentrer en priorité les moyens financiers sur l’entretien du réseau par rapport aux projets de développement et améliorer le pilotage de la prestation d’entretien du réseau ferroviaire par le gestionnaire d’infrastructure ;
8. veiller à ce que la définition des futurs ratios d’endettement du gestionnaire d’infrastructure conduise effectivement à ne pas financer des projets non rentables.
Consulter le rapport

n°15

29 Oct 2014

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