ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°339 -

Trois questions à Marie-Ange Debon, Présidente du Directoire de Keolis



Quelles solutions de mobilité pouvez-vous apporter à des agglomérations de taille infra-métropolitaine ?
S’inscrivant résolument dans une logique de partenariat et de co-construction avec les autorités organisatrices de mobilité, Keolis propose aux collectivités des solutions sur-mesure adaptées à chaque territoire et à chaque type de citoyen, en cherchant à comprendre les modes de vie et à tirer parti de la complémentarité entre les modes sans les opposer.
Pour les villes médianes, nous proposons des services de bus correspondant aux besoins des 20 à 30% de ménages ne possédant pas de voiture, des actifs, des collégiens, des lycéens et des étudiants, mais aussi aux trajets hors domicile-travail et hors domicile-études, qui représentent les deux tiers des déplacements en ville. Notre réflexion porte aussi sur les déplacements en soirée, comme le montre le succès du lancement du service QUB Noz du réseau de Quimper, qui fonctionne de 20h à minuit tous les soirs. Pour les habitants du périurbain, nous développons des solutions de transport à la demande dynamique, qui permettent désormais de réserver quasiment en temps réel, et de plus en plus nous intégrons le co-voiturage dans l’offre de transport. Enfin, nous donnons toute leur place aux modes doux à travers des solutions de vélos en libre-service ou de location de vélos en longue durée, ainsi qu’avec le déploiement d’abris vélos sécurisés.
Dans les communes périphériques, les adolescents sont beaucoup plus nombreux que dans la ville centre et des solutions de mobilité doivent leur être proposées pour les horaires décalées de début et sortie de cours, le mercredi après-midi, les week-ends, les jours de vacances pour créer des habitudes vertueuses de déplacement dès cet âge-là.
Nous intégrons systématiquement les cheminements piétons dans nos réflexions. Parce que la marche en plein essor est quasi universelle et contribue à la santé, à la paisibilité des villes, elle est un trait d’union naturelle avec les transports publics.
Enfin, les villes de taille dite moyenne connaissent une transition démographique de grande ampleur. Par conséquent, il faut veiller à l’inclusion des personnes fragiles sans oublier que les fragilités ne se voient pas systématiquement.

Comment s’organise la mobilité post Covid ?
En 2020 et en 2021, la fréquentation des transports collectifs a beaucoup baissé en raison des confinements, des couvre-feux et des restrictions de circulation. Mais les réseaux des villes moyennes ont subi un recul plus modéré que ceux des métropoles.
Durant cette période de crise sanitaire, les villes moyennes se sont tournées vers les mobilités actives – marche et vélo – dont les usages sont en progression partout en France. Certaines villes ont tracé des pistes cyclables temporaires qu’elles ont pérennisées. Je pense en particulier à Arras, Colmar ou Chambéry…
Aujourd’hui, une partie de nos passagers habituels a eu tendance à s’éloigner des transports publics par crainte d’être

 

contaminée alors que toutes les études démontrent que ce risque est infime dès lors que le port du masque est obligatoire et respecté. Il semble que la crainte tienne surtout au fait d’être au milieu d’inconnus. En effet, si 80% des Français font confiance à leurs proches, ils ne sont que 30% à faire confiance à des personnes, qu’ils ne connaissent pas.
Avec les autorités organisatrices, nous sommes engagés dans la reconquête de la confiance des voyageurs et expliquons avec pédagogie que les espaces du transport public, qui sont en outre très régulièrement nettoyés, sont sûrs au plan sanitaire, avec un port du masque très bien respecté.

Quels sont, selon vous, les défis du transport public dans les villes moyennes ?
J’en discerne trois principaux : la transition énergétique, les solutions digitales et la pleine prise en compte des mobilités actives. L’abandon du diesel est programmé et il faut donc accélérer la mutation du parc vers le gaz et l’électromobilité, puis à moyen terme vers l’hydrogène. Nous maîtrisons toutes ces énergies alternatives. Les solutions digitales permettent d’offrir aux voyageurs des applications de plus en plus performantes mais nous devons avoir le souci de ceux qui ont du mal à suivre ces évolutions, notamment les personnes fragiles ou précaires, qui ont souvent le plus besoin des transports publics. Keolis ne veut surtout laisser personne au bord du chemin et nous voulons servir tout le monde dans une logique inclusive. Enfin, nous devons donner toute sa place au vélo et à la marche à pied dans le cadre d’une approche résolument intermodale de la mobilité.
La construction d’une offre de mobilité vertueuse doit permettre de ne pas avoir de voiture sans être assigné à résidence ou ne pas avoir de deuxième voiture sans que cela complexifie la vie ; elle doit, encourager les jeunes, futurs adultes de demain, à ne pas avoir de deux-roues motorisés ou de première voiture (majoritairement d’occasion et souvent polluante) et elle doit être inclusive.
Parallèlement à ces défis, nous devons aussi analyser le pouvoir d’attractivité des villes moyennes au regard de la crise sanitaire qui a fortement bousculé les comportements de déplacement et les modes de vie. Pour attirer des métropolitains quels que soient leurs âges ou leurs revenus, les villes moyennes doivent répondre à l’enjeu majeur de mobilité.
Des retraités font le choix d’un cadre de vie apaisé et plus accessible financièrement et s’installent dans une ville moyenne. D’autres décident de quitter des villages ou des bourgs pour se rapprocher d’une offre de services de qualité dans une ville moyenne. Des cadres télétravailleurs en quête d’une vie plus harmonieuse et acceptant des déplacements occasionnels parfois d’assez longue distance abandonnent des métropoles pour des villes à dimension plus humaine. Des foyers modestes ou des familles monoparentales sont attirés par des loyers plus raisonnables dans les villes moyennes péri-métropolitaines. Dans tous les cas, les offres de mobilité seront déterminantes dans leurs prises de décisions. Pour les citoyens issus de grandes villes, habitués à des réseaux de transport collectif denses, avec des axes forts et de la fréquence, les attentes concernent une certaine continuité de l’offre, hors période de pointe, en soirée, le week-end ou pendant les petites vacances. Mais aussi des solutions de mobilité à l’échelle d’un réseau de villes. Il faut pouvoir aisément être relié à Rennes quand on habite à Vitré, à Bordeaux ou Toulouse quand on vit à Agen ou à Bordeaux quand on est à Arcachon. Et tout particulièrement quand on fait le choix de ne pas avoir de voiture.
Les villes moyennes ont donc un avenir prometteur si elles investissent la mobilité !

n°339

31 Mars 2022

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