ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°646 -

Emprunts toxiques, vers une loi de validation pour les TEG erronés ?


Les risques d’un État actionnaire d'une banque se confirment à nouveau à grande échelle, alors que les pouvoirs publics viennent de nationaliser les actifs de Dexia, à travers la Société de financement local (Sfil). Le plus souvent Dexia, mais aussi d’autres banques françaises ou étrangères, sont actuellement assignées devant le juge civil, ou en voie de l’être, par des collectivités locales qui reprochent les conditions de conclusion d’un contrat d’emprunt ou l’établissement de certains de ses éléments constitutifs, comme le taux effectif global (TEG).
En effet, suite au jugement du TGI de Nanterre, intervenu le 8 février dernier, et dont Dexia vient de faire appel, un risque nouveau est apparu aux prêteurs visés par les recours contentieux, celui du TEG erroné.
Dans sa décision relative au contentieux opposant le Conseil général de la Seine-Saint-Denis à Dexia, il faut rappeler que plusieurs emprunts structurés de taux - faute de mention de TEG précis sur la base d’échanges de fax, qui constituaient la confirmation du prêt - avaient été reconduits au taux d’intérêt légal en vigueur, soit 0,71 %.
Avec cette jurisprudence, le problème des emprunts toxiques pourrait se révéler beaucoup plus étendu, puisque concernant nombre de crédits accordés aux collectivités locales, même ceux les moins toxiques. En somme, une insécurité juridique qui pourrait devenir financièrement insupportable pour l’État, actionnaire majoritaire de la Sfil.
Cette structure qui a hérité d'une grande partie de ces encours sensibles, évaluait une perte potentielle de quelques 2 milliards d'euros liée aux emprunts structurés. En réalité, si la jurisprudence « Seine-Saint-Denis » faisait boule de neige, le risque de perte potentielle pourrait grimper à 10 milliards d’euros, et pourrait s’établir jusqu’à 20 milliards d'euros pour tous les acteurs bancaires, soit près de 1% du PIB ! L’avenir juridique d’un projet de loi qui validerait a posteriori l’absence de TEG ou une méthode de calcul erronée, apparaît douteuse, mais revient parmi les solutions possibles.
TEG erroné : les fondements
Sur la base d’éléments de mémoire d’instance produits par certaines villes requérantes de la Fédération des villes moyennes, l’erreur de TEG constitue une faille sans doute très utile dans la remise en cause ou la renégociation de ces montages sophistiqués. Il existe aujourd’hui une base légale et une jurisprudence établie en matière de TEG, résultant en particulier de la combinaison des articles L. 313-4 et R. 313-1 du code monétaire et financier (CMF), et des articles 1304 et 1907 du code civil.
Les dispositions de l’article 4 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure, intégrées au CMF sous l’article L. 313-4, précisent en effet que « le TEG doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt ».
En outre, les dispositions réglementaires du décret R. 313-1 du CMF commandent de préciser la durée de période unitaire et le taux de celle-ci, avec des faiblesses possibles si le nombre de trimestrialités n’est pas entier. Ainsi, pour répondre aux prescriptions de l’article R. 313-1 du CMF, il ne peut exister qu’un seul taux accordé à une période de référence unique qui, appliqué successivement à chacun des paiements selon la méthode des intérêts composés, assure l’égalité entre le prêt et tous les versements opérés par le débiteur.
En vertu d’une jurisprudence bien établie, l’exigence d’un écrit relatif au TEG est une condition de validité de la convention d’intérêts, et il suit que son absence ou le caractère erroné de son affichage à l’acte de prêt est sanctionné par la nullité de cette stipulation (Cass., 1ère civ. du 28 juin 2007, n° 06-10209).
Cette sanction, qui est la seule possible (Cass., 1ère civ. Du 18 février 2009, n° 15-16774) entraîne substitution du taux légal au taux conventionnel, par application de l’article 1907 du code civil, sans que puisse s’appliquer l’indexation qui en formait l’accessoire. L’emprunteur est alors à bon droit d’obtenir la restitution des intérêts versés en supplément du taux légal depuis la mise en place du prêt…

n°646

17 Avril 2013

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