ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°548 -

LOPPSI 2 - Les missions des polices municipales clarifiées


Dans une décision très remarquée*, parce qu’elle censure nombre de dispositions d’une loi de programmation, le Conseil constitutionnel vient d’effacer une grande partie des mesures sécuritaires que le Gouvernement a fait adopter devant le Parlement en début d’année. Ont été ainsi annulés huit articles tandis que cinq autres articles sont « relevés d’office » par le Conseil constitutionnel. 

Sur le fond, cette décision est remarquable à plusieurs points de vue. Elle apporte en particulier des précisions sur la répartition entre les différentes missions de police. La police judiciaire (constatation des infractions à la loi pénale, rassemblement des preuves et recherche des auteurs) et la police administrative (activité de prévention des troubles à l’ordre public) peuvent être assurées par la police nationale et la gendarmerie. 
À l’inverse, les polices municipales ne peuvent se voir conférer des missions de police judiciaire. Sauf revirement jurisprudentiel, il ne revient donc pas aux policiers municipaux de se suppléer aux forces de l’ordre nationales pour le traitement des missions de police judiciaire. 
Il s’agit d’une décision d’importance pour les villes moyennes qui craignaient, compte tenu de la révision générale des politiques publiques, un transfert insidieux et progressif de ces missions aux collectivités territoriales.
Le Conseil justifie cette orientation par le fait que la police municipale ne peut être mise à dispositions des officiers de police judiciaire. Celle-ci relève en effet en pratique de l’autorité hiérarchique et fonctionnelle du maire.
Cette décision de principe est également significative par rapport à l’annulation de plusieurs mesures phares voulues par le Gouvernement, comme la « privatisation » de certaines missions d’ordre public, ou encore la volonté de donner de nouveaux pouvoirs de puissance publique aux préfets, comme les mesures d’expulsion pour les occupations illégales de terrain.

Vidéo protection

Parmi les dispositions qui ont été annulées par le Conseil constitutionnel, il faut en premier lieu faire état de l'article 18 de la LOPPSI 2 qui complétait la liste des cas dans lesquels un dispositif de vidéo protection pouvait être mis en oeuvre sur la voie publique par des autorités publiques.
Cet article assouplissait notamment la mise en oeuvre de tels dispositifs par des personnes morales de droit privé et permettait de déléguer à des personnes privées l'exploitation et le visionnage de la vidéo protection. 
Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, en jugeant qu'elle permettait de confier à des personnes privées la surveillance générale de la voie publique et ainsi de leur déléguer des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique ». 

Evacuations de terrains

Parmi les autres dispositions censurées, l'article 90 de la LOPPSI 2 permettait au préfet de procéder à l'évacuation forcée de terrains occupés illégalement par d'autres personnes. 
Ces dispositions permettaient « de procéder dans l'urgence, à toute époque de l'année, à l'évacuation, sans considération de la situation personnelle ou familiale, de personnes défavorisées et ne disposant pas d'un logement décent ». 
Le Conseil a annulé cette disposition, en jugeant qu’elle opérait « une conciliation manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l'ordre public et les autres droits et libertés ».

Couvre-feu

Parmi les dispositions annulées par le Conseil constitutionnel, il faut encore mentionner l'article 43 qui institue la possibilité pour le préfet de prendre une décision de « couvre feu » pour les mineurs (de 23 heures à 6 heures). Le tribunal des enfants peut prononcer la même mesure à l'encontre d'un mineur. Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution. En revanche, le paragraphe III de l'article 43 - punissant d'une peine contraventionnelle le fait pour le représentant légal du mineur de ne pas s'être assuré du respect par ce dernier de ce « couvre feu » collectif ou individuel - a été censuré. 
En effet, cette peine aboutissait à punir le représentant légal pour une infraction commise par le mineur.

Polices municipales

Figurant parmi les considérants les plus importants s’agissant des missions confiées aux polices municipales, le Conseil constitutionnel a notamment annulé l'article 92 qui étendait aux agents de police municipale la possibilité de procéder à des contrôles d'identité. Pour le Conseil, ces agents qui relèvent des autorités communales ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire, eux-mêmes placés sous le contrôle direct et effectif de l'autorité judiciaire. Dès lors, le Conseil a jugé l'article 92 contraire à l'article 66 de la Constitution qui impose que la police judiciaire soit placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire.
Enfin, l'article 91 accordait la qualité d'agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale. Ceux-ci n'étaient toutefois pas, dans le même temps, mis à la disposition des officiers de police judiciaire. Pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit à la censure de l'article 92, le Conseil constitutionnel a jugé l'article 91 contraire à la Constitution.
 
* Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 sur la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite LOPPSI 2)

n°548

16 Mars 2011

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