ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°157 -

Les territoires face au vieillissement démographique


Ces rendez-vous de l’intelligence locale ont débuté avec une table ronde consacrée aux politiques des territoires permettant leur adaptation au vieillissement démographique. L’entrée des "baby-boomers" dans le troisième âge et l’accroissement de l’espérance de vie mettent en jeu un nouveau défi sociétal avec pour les villes et intercommunalités des mesures à prendre en lien avec la santé, l’habitat ou encore l’accessibilité. L’animateur Jean Dumonteil a interrogé les intervenants sur les actions menées localement et sur les enjeux du vieillissement pour les villes et intercommunalités.
Transmettre les savoir-faire, renforcer la reconnaissance
Pierre Méhaignerie, ancien ministre, maire de Vitré, président de Vitré Communauté, a rappelé que le vieillissement est aussi une opportunité, il rapporte par ailleurs le besoin de considération propre à l’être humain. Sa collectivité a coopéré avec l’association « L’outil en main » qui permet à des personnes âgées de 60 à 75 ans d’enseigner des savoir-faire manuels à des jeunes de 9 à 14 ans, le dispositif mobilise localement 160 personnes. Selon le maire de Vitré, « le sentiment d’utilité sociale est essentiel pour le bien-vivre ensemble. Pour la quasi-totalité des jeunes, il n’y a aucun décrochage scolaire. L’enjeu est la transmission des savoirs et des savoir-faire ». Pierre Méhaignerie souhaite développer le projet au monde industriel avec quatre entreprises impliquées et à l’aide aux devoirs ainsi qu’à l’apprentissage des langues. Dans le cadre d’une exposition, 70 jeunes parlent de leur expérience avec « L’outil en main ». Pierre Méhaignerie affirme que « le vieillissement est un service rendu à la collectivité. Le dispositif est bon pour les seniors et leur santé, et utile pour les jeunes ». Il évoque l’importance « de montrer à l’opinion publique les services que peuvent apporter les seniors d’une part pour s’occuper des enfants et d’autre part pour la vitalité des associations avec 70% des bénévoles qui sont des seniors ». Vitré mène de nombreuses politiques destinées aux seniors notamment des ateliers numériques, des systèmes de colocation et de lutte contre les chutes.
Donner la parole aux seniors, faire vivre la démocratie
Thomas Dudebout, adjoint au maire de Saint-Quentin, a présenté le projet mis en place 2014 pour promouvoir davantage de démocratie locale. 12 instances consultatives ont été créées dont le Conseil des seniors. Selon lui, « les seniors disposent de beaucoup de temps libre ce qui permet des réflexions de fond et la révision de politiques qui leur sont destinées ». Saint-Quentin a par ailleurs adhéré au Réseau francophone des Villes Amies des Aînés et révisé 8 thématiques liées aux seniors. La ville a permis la fédération des entités destinées aux seniors qu’elles soient privées ou associatives. Le conseil est composé de 25 personnes, 20 ont été tirés au sort sur plusieurs centaines de candidatures et 5 personnes qualifiées ont été désignées. Sous diverses formes, le conseil se réunit toutes les semaines. Des rencontres avec les services techniques et les élus renforcent la technicité des élus. Enfin dans le cadre de l’opération « Viens, je t’emmène », pendant une semaine, des actions sont prévues tous les jours pour accompagner les seniors isolés, cette opération est montée par le Conseil des seniors. Par exemple, une action menée avec le réseau des bus consiste en la visite de la ville en bus avec des jeunes du Conseil des jeunes comme guides. Une autre action phare menée par la ville tout au long de l’année est le covoiturage culturel, les personnes véhiculées allant au spectacle renseignent leur accord pour faire du covoiturage avec des seniors et les seniors intéressés trouvent ainsi un moyen de déplacement pour la soirée.
Attractivité de la ville, développer le sport-santé
Marie-Hélène Thoraval, maire de Romans-sur-Isère, a également rejoint le réseau des Villes Amies des Aînés, un diagnostic a été mené, aboutissant à des préconisations. Vis-àvis de la Silver économie, l’élue a une approche « marché » et souhaite renforcer l’attractivité de la ville sur ce segment. Elle affirme que « plus on avance dans la perte d’autonomie, plus cela revient à la collectivité et que moins il y a perte d’autonomie, plus cela revient au privé ». Autour des enjeux du bien-vieillir et du mieux-vivre, la collectivité se concentre sur l’activité physique et a mis en place un dispositif de sport sur ordonnance, avec l’idée de limiter les pathologies via les activités physiques. Pour Marie-Hélène Thoraval, « la Silver économie est intergénérationnelle ». Par ailleurs, en termes de parcours immobilier, « beaucoup de seniors reviennent en centre-ville pour la proximité des commerces et des services. Les seniors ont du temps pour se promener, consommer et utiliser les services. Leur pouvoir d’achat est bien supérieur aux actifs du centre-ville qui sont souvent précaires, par rapport à ceux situés en périphérie ». La ville œuvre à l’adaptation des logements et à l’accessibilité des bâtiments, les problèmes ne sont pas toujours les mêmes que pour les handicapés. Marie-Hélène Thoraval rappelle qu’« il y a beaucoup d’isolement, certains seniors n’ont que la collectivité d’où l’importance de la bienveillance, de l’écoute et de l’organisation ». Par ailleurs, fait surprenant, la ville enregistre des attentes fortes des seniors sur la connexion en termes de débit et de matériels mis à disposition.
Les 3 R : relation, réalisation, reconnaissance
Hervé Sauzay, ancien directeur de "Notre Temps" et fondateur de l’Institut Français des Seniors, rappelle que l’âge fixé pour les seniors est souvent à 50 ans ou à deux principaux évènements de vie : la retraite et les couples dont les enfants ont quitté le foyer familial. En termes de chômage des seniors, la France est mauvaise élève, elle est avant-dernière en Europe. Les seniors retraités actifs de 60 à 75 ans ont deux activités principales : la famille et le bénévolat. Un tiers des retraités fait du bénévolat. La moitié des femmes de plus de 70 ans vit seule. L’enjeu de

 

l’isolement est souvent celui de la mobilité. Pour Hervé Sauzay, « les grands besoins des seniors se retrouvent dans les 3 R : relation, réalisation, reconnaissance ». « Relation » implique le lien social et les informations que fournit la collectivité, « réalisation » implique le sentiment d’être utile, la transmission de connaissances, la ville devant proposer des occasions de se mettre en projet, « reconnaissance » implique d’être reconnu comme une personne comme les autres et non comme un « senior ». D'ailleurs 60% des personnes ayant la possibilité d'être titulaire de la carte SNCF seniors ne l’ont pas, le terme « seniors » a en effet une connotation négative pour les personnes âgées. La transmission de connaissances aux jeunes générations, la colocation intergénérationnelle, le tutorat croisé sont aussi de bonnes politiques pour une ville tandis que les seniors apprécient d’être consultés sur les politiques les concernant.
Cette séquence s’est achevée par une vidéo d’une interview de Delphine Mallet, directrice des services de la Silver Economie du Groupe La Poste.

n°157

13 Déc 2017

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