ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°17 -

La dotation versée aux universités amputée de 350 millions d’euros


Les professeurs des universités, et les administratifs, seront-ils payés en décembre ? La question peut paraître saugrenue, pourtant la menace pèse sur le versement de leurs salaires… L’État n’a pas viré l’intégralité des dotations aux universités pour le dernier trimestre 2014. Une amputation de 20%, soit 350 millions d’euros.
La dotation annuelle de l’État aux établissements est versée en quatre fois. Cette dotation finance pour l’essentiel la masse salariale ainsi que le fonctionnement de l’enseignement des différentes disciplines proposées aux étudiants. 120.000 salariés travaillent dans l’enseignement supérieur public dont environ 92.000 enseignants et chercheurs. Le dernier versement de la dotation, pour le quatrième trimestre 2014, devait intervenir fin octobre. Si le virement a bien été effectué, il a été amputé de 20% par Bercy dans la plus grande discrétion.
Le président de la Conférence des Présidents d’Université (CPU), Jean-Loup Salzman, a affirmé que « l’alerte a été donnée par des agents comptables qui commencent à ordonnancer les salaires de décembre : le fait que les universités n’aient reçu que 80 % de leur dotation rend impossible, à ce stade, d’honorer la totalité des paies de décembre ».
Le complément de la dotation devrait être versé dès le mois de novembre, assure le secrétariat d’État à l’Enseignement supérieur et la Recherche. Une promesse qui laisse perplexe le président de la CPU : « c’est inacceptable, du jamais vu ». À titre d’exemple, l’université Paris XIII qu’il dirige a reçu 16 millions d’euros au lieu des 21 prévus pour le quatrième trimestre 2014. Pour l’université de La Rochelle, cela représente 1,7 million d’euros. Et si l’État refusait de verser le reliquat qu’il doit aux universités, « ce sont plus des deux tiers des universités qui seraient dans le rouge » alerte Jean-Loup Salzmann qui conseille à ses homologues présidents d’université une « extrême vigilance » à l’heure où l’État recherche des économies.
Moins de moyens, plus d’étudiants…
Les effets de la rigueur budgétaire se manifestent un peu partout. À la rentrée 2014, l’insuffisance des moyens a généré une dégradation des conditions d'accueil des étudiants : tirage au sort, en STAPS notamment ; étudiants plus nombreux en groupes de TD et de TP ; diminution des heures voire fermeture de formations... 
À titre d’exemple, trois parcours en master ont été fermés à l’université de Nice. L’université de Versailles - Saint-Quentin a supprimé le master Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF) et fermé la filière STAPS — alors que cette discipline est en grande tension. À l’université de Bourgogne, 45 postes d’enseignants-chercheurs sont gelés. L’université de Pau a décidé le gel de 29 postes d’enseignants-chercheurs. L’université de Marne-la-Vallée a gelé 50 postes d’enseignants-chercheurs et enseignants. Et l’université d’Angers a décidé le gel de 12 postes d’enseignants et enseignants-chercheurs sur les 35 octroyés.
À Versailles, Paris 1 ou encore Lille 2, on annonce clairement la couleur : des plans de réduction du coût de l’offre de formations d’environ 10% sont engagés. Même tendance à Montpellier 3 et au Havre. Si les fermetures sèches de formations sont rares, le plus souvent cela se déroule de manière « déguisée », en diminuant les volumes horaires et le nombre d’options dans beaucoup de filières (ex : Lille 2). 
« Ce sont les enseignements qui ne sont pas le 'cœur de métier' des formations qui ont été impactés », précise le président de l’université du Havre. Il en va ainsi de la formation à la recherche documentaire, les langues, les projets professionnels, des unités d’enseignement libre (UEL). L’étudiant a perdu la possibilité d’avoir une ouverture sur une autre discipline, au premier semestre de L1 en tout cas. À l’université de Bourgogne, des réductions d’horaires ont été décidées : -20h en L1, -40h en L2, -20h à -70h en L3…

 

Plusieurs universités ont fait le choix d’augmenter le nombre d’étudiants en TD comme à Amiens, Grenoble I ou encore Montpellier II (groupes de TD passant de 40 à 55). Autres exemples, à l'université de Versailles – Saint-Quentin, en sciences sociales, la taille des TD est passée de 36 à 40 étudiants ; à l’université de Bretagne Occidentale (UBO) les TD accueillent désormais plus de 40 étudiants ; à l’université de La Rochelle, les seuils d’ouverture de certains TD sont passés de 24 à 40. Ailleurs, des TD en petits groupes sont transformés en cours magistraux, du contrôle continu disparaît, le nombre d'heures des formations est réduit...
Dans ce contexte d’austérité comment atteindre l’objectif d’accroissement du flux des étudiants, de même que celui de réussite fixé par le secrétariat d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, tout en diversifiant les types de publics accueillis ? Une situation de plus en plus intenable, alors que les effectifs d’étudiants sont toujours en hausse. L'augmentation du taux de réussite au baccalauréat (+1,1 point en moyenne par rapport à 2013, dont +4,1 et +3,4 respectivement pour les séries technologiques et professionnelles) conduit de plus en plus de jeunes, quel que soit leur parcours antérieur au lycée, à souhaiter poursuivre des études supérieures à l'université, tant en licence générale que dans les IUT. Cette hausse du niveau de qualification va dans le sens de l’objectif de 50% d’une classe d’âge diplômés du supérieur. Mais, avec des moyens publics de plus en plus contraints, comment accueillir plus d'étudiants dans les conditions leur permettant de réussir ?
De plus, la concentration par l’État des moyens en direction de l’enseignement supérieur et de la recherche, visant l’émergence d’une vingtaine de sites visibles à l’international, fait peser un double risque sur les universités de proximité : l’émergence d’un système d’enseignement supérieur à deux vitesses, voire la fermeture de ces établissements. Soit au final, un recul de la démocratisation de l’accès à l’Enseignement supérieur…
 

n°17

12 Nov 2014

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