ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°485 -

Décentralisation - La Cour des Comptes fait un bilan sévère de l’action de l’État


La Cour des comptes a publié le 27 octobre dernier, un rapport public sur « La conduite par l'État de la décentralisation ». L'occasion pour la Cour  d'examiner les conséquences de la révision constitutionnelle du 23 mars 2003 qui consacre l'organisation décentralisée de la République, et de réaliser pour la première fois un bilan des transferts de compétences opérés dans le cadre de cette deuxième vague de décentralisation. L'ensemble constitutionnel actuel forme un bloc imposant : clause générale de compétence, libre administration pour l'exercice des compétences, absence de tutelle des collectivités entre elles, garantie de l'autonomie financière incorporant la compensation des transferts de charge.
Les objectifs de la décentralisation, remarque la Cour, font une part importante aux critères de meilleure efficacité de l'action publique et de maîtrise des dépenses publiques. L'alinéa 2 de l'article 72 de la Constitution dispose ainsi que « les collectivités ont vocation à prendre l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon ». Il vise non seulement la clause générale de compétence, mais aussi un objectif de meilleure gestion publique.

Illisibilité accrue
Les travaux de la Cour mettent en lumière que la réforme de 2003 n'est pas parvenue à simplifier l'action publique locale. Loin de renforcer l'échelon régional comme initialement envisagé, la réforme a plutôt « bénéficié » aux départements.
En consacrant la clause générale de compétences, la seconde vague de décentralisation a conféré aux collectivités territoriales de grandes marges d'action et a conduit à la « multiplication des procédures de concertation et de financements croisés qui alourdissent le travail administratif ». « La dépense publique ne s'en trouve pas davantage rationalisée, avec le développement d'une compétition entre collectivités et d'une tendance à doublonner les interventions. »
La juridiction financière estime que l'État porte une large responsabilité en la matière, faute de s'être organisé pour piloter de manière homogène le processus de décentralisation. Certains ministères y ont résisté (Culture), tandis que d'autres acceptaient des transferts de compétences importants (comme les ministères sociaux).
Les contentieux financiers liés à la compensation des transferts de compétences sociales très dynamiques (par exemple l'allocation personnalisée d'autonomie) ont amené le constituant à consacrer l'autonomie financière et fiscale des collectivités. Pour répondre à cette exigence de ressources propres, l'État a attribué aux collectivités des fractions d'impôts nationaux qui « contribuent à rendre plus complexe leur financement ». En outre, la charge financière des transferts sociaux demeure un sujet de forte préoccupation.

Manque de rationalisation
La décentralisation n'a pas rendu la gestion plus efficace et économe : elle n'a pas remédié à l'empilement des structures administratives, et l'État n'a réduit la taille de ses services déconcentrés qu'à compter de 2007. Ainsi, le nombre de fonctionnaires locaux et d'État a progressé d'un million de personnes au cours des 25 dernières années. Dans le même temps, la dépense des administrations publiques locales a été multipliée par plus de 5 et celle de l'État par plus de 3.

Inégalités maintenues
La Cour a aussi examiné l'impact de la décentralisation sur le respect des grands principes républicains, au premier rang desquels figure l'égalité des citoyens. Malgré la consécration d'un principe constitutionnel de péréquation, la décentralisation n'a pas permis de corriger les inégalités de financement entre collectivités territoriales, les dotations de l'État aux collectivités ne tenant pas suffisamment compte de ces contraintes.
La Cour des comptes formule en conséquence plusieurs recommandations. Elle estime qu’un ajustement profond de la carte territoriale des collectivités est indispensable à une mise en œuvre plus harmonieuse de la décentralisation. « Il serait logique et souhaitable de rapprocher le plus possible la maîtrise des compétences de celle de recettes fiscales adaptées à leur nature, par échelon territorial. » La lisibilité démocratique et la simplification des relations entre l'État et les collectivités territoriales en seraient d’ailleurs accrues. L'État est par ailleurs invité à plus intégrer le prin-cipe de péréquation inscrit à l'article 72-2 de la Constitution. Et la Cour de conclure « c'est désormais à l'aune de la rationalisation de l'organisation administrative et de la recherche d'une gestion de proximité à meilleur coût, qu'il faut examiner un processus de décentralisation qui jusqu'à présent n'a conduit ni à une baisse des dépenses publiques ni à une maîtrise de la fiscalité locale ».

n°485

04 Nov 2009

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