ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°408 -

Territoire, Enseignement supérieur et Recherche


En octobre 2006, le Bureau du Conseil économique et social (CES) a confié à la section des économies régionales et de l\'aménagement du territoire la préparation d\'un rapport et d\'un projet d\'avis sur « Aménagement du territoire, enseignement supérieur et recherche : entre proximité et excellence».
L\'assemblée plénière des 26 et 27 février dernier a adopté le projet d\'avis présenté par Jean-Pierre Duport. Mis en cause pour son manque de lisibilité et tenu d\'accroître ses performances dans un environnement économique en évolution rapide, le système français de recherche et d\'enseignement supérieur est à la croisée des chemins.
Il doit désormais trouver un nouvel équilibre pour concilier les enjeux d\'excellence d\'une recherche soucieuse d\'atteindre une reconnaissance internationale par la concentration et les exigences
de proximité d\'une formation encline à s\'implanter de façon fine sur le territoire pour répondre à la demande sociale. Il doit ainsi simultanément viser l\'ouverture sociale, l\'excellence internationale et la proximité. Face à ces défis, il se trouve confronté à des exigences parfois contradictoires d\'acteurs de plus en plus nombreux, établissements, étudiants, collectivités territoriales, entreprises, Union européenne.
La loi de programme pour la Recherche a apporté des réponses en dynamisant les partenariats. Celle du 10 août 2007 a quant à elle accru l\'autonomie des universités et consacré la participation des acteurs économiques et des collectivités territoriales à la définition des politiques de formation.

Valoriser une organisation territoriale en réseau

Cette valorisation passe principalement, selon le CES, par une politique de qualification des sites et la mise en place des Pôles de recherche et d\'enseignement supérieur (PRES).

• La qualification des sites
Compte tenu de la baisse des effectifs étudiants, aucune nouvelle implantation universitaire n\'est justifiée, précise le rapporteur. Pour que la répartition spatiale des établissements soit un facteur
de réussite, il convient de valoriser les atouts de chaque site dans son ou ses domaines d\'excellence. Une des premières missions confiées à l\'Agence d\'évaluation (AERES) pourrait ainsi
concerner les antennes afin de distinguer celles offrant des premiers cycles délocalisés (qui doivent être complémentaires des seconds cycles proposés par l\'université-mère) et les sites dédiés à l\'enseignement professionnalisant (où il faut développer une formation en liaison avec le tissu économique local).
Les structures délocalisées contribuant à l\'accueil des étudiants défavorisés, le CES s’oppose à une suppression systématique des premiers cycles généralistes.
Il estime en revanche qu’il est nécessaire d’y repérer les bonnes pratiques en termes d\'innovations pédagogiques notamment, afin d\'en faire des laboratoires vis-à-vis des universités-mères.
Pour certaines antennes, dont le succès est conditionné par l\'implication du système économique local dans le transfert de technologies, le modèle des plates-formes technologiques peut s\'avérer approprié.

• La mise en place des PRES
Il conviendra de tenir compte de la diversité des configurations universitaires. Ainsi, les grandes universités de recherche et les universités régionales dotées de laboratoires reconnus à l\'international peuvent constituer un premier cercle, celui qui est concerné par la recherche et pour lequel l\'articulation avec les pôles de compétitivité et les réseaux de recherche avancée est indispensable.
Trois types de PRES peuvent être envisagés : le PRES métropolitain, pour une région disposant de plusieurs grandes villes universitaires ; le PRES régional, pour une région ne disposant que d\'une grande ville universitaire ou pour une petite région où ce type de PRES permettra d\'associer l\'ensemble des villes moyennes ; le PRES interrégional, pour les petites et moyennes régions, sur la base d\'une logique économique commune. S\'il est indispensable de pousser à la mise en place de PRES, le CES n’estime pas nécessaire de couvrir tout le pays, ni de rester systématiquement
dans le cadre des régions administratives, ni encore d’écarter la possibilité de structure transfrontalière. Les PRES, bien qu\'ils concernent d\'abord les universités, auront un effet d\'entraînement d\'autant plus fort qu\'ils intégreront des écoles et que les organismes de recherche y
seront associés.
Le Réseau national de télécommunications pour la technologie l\'enseignement et la recherche (RENATER) et les universités numériques en région, dispositifs permettant de concilier l\'éclatement territorial avec les stratégies de mutualisation, doivent être développés, en veillant à ce que l\'apport des TIC porte aussi sur les contenus.

Mise en oeuvre des stratégies régionales d\'innovation

• Instaurer une gouvernance partagée
Les régions et les agglomérations, de par leurs compétences, ont vocation à travailler en synergie avec le monde de l\'enseignement supérieur et de la recherche pour la création de véritables
campus. Le poids des partenaires économiques et sociaux ainsi que des collectivités territoriales doit être renforcé dans les conseils d\'administration des PRES. Sans nécessairement être représentés au sein des PRES, les CESR et les conseils de développement des métropoles pourraient leur être associés.

• Articuler les dispositifs
La mise en place des PRES, des Réseaux Thématiques de Recherche Avancée et des Instituts Carnot a en partie répondu à la question de l\'excellence, mais il faut articuler ces dispositifs avec
les politiques de développement économique des territoires, notamment les pôles de compétitivité. Le PRES pourrait être un lieu de cohérence. Parallèlement, toutes les structures dédiées à l\'innovation au sein d\'une région doivent travailler en complémentarité (cf. les cellules de valorisation des universités, l\'agence régionale de l\'innovation et le CRITT). Il faut aussi articuler l\'innovation régionale avec l\'action des grands organismes de recherche et améliorer le système de valorisation en rationalisant les dispositifs existants, en favorisant le rapprochement entre laboratoires publics et entreprises, et en facilitant la mobilité des chercheurs.
La mise en place de schémas régionaux consacrés à la recherche et à l\'enseignement supérieur doit être encouragée. Ces schémas devront être articulés avec les schémas régionaux de développement économique.
La coordination interne des dispositifs du Schéma Français de Recherche et d’Innovation devrait être confiée au Délégué régional à la recherche et à la technologie qui pourrait être rattaché au rectorat. Son action serait facilitée par la création dans chaque région d\'un conseil scientifique et de la recherche réunissant chercheurs et professionnels de la valorisation, dont il assurerait le secrétariat.

• Optimiser la ressource humaine
Les professeurs agrégés (PRAG) pourraient être affectés en priorité dans les premiers cycles afin de faciliter la transition entre le secondaire et le supérieur. Une meilleure répartition entre professeurs du secondaire, professeurs associés et enseignants-chercheurs dans les sites dédiés à l\'enseignement technologique devrait permettre de réaliser une réelle adéquation avec le besoin en transfert technologique de ces sites. Une augmentation des postes de personnels administratifs (IATOS) donnerait aux enseignants-chercheurs du temps pour se consacrer à leurs missions essentielles.

Favoriser l\'insertion professionnelle

• L\'orientation des étudiants.
Les mesures du plan Réussir en licence devraient conduire à l\'instauration d\'un véritable service de l\'orientation entre le secondaire et le supérieur. Une mobilisation accrue des enseignants sera nécessaire, supposant qu’ils puissent s\'appuyer sur des professionnels dédiés. L\'orientation doit en outre s\'inscrire dans une politique globale de la formation qui pourrait utilement être définie dans le cadre des PRES.
L\'orientation à l\'université gagnera à être articulée avec la politique de formation professionnelle des conseils régionaux. Le CES souhaite aller plus loin que le plan Réussir en licence s’agissant de l’accès aux formations technologiques : tout en augmentant leurs capacités, il convient d\'inciter les IUT à accueillir davantage de titulaires des bacs technologiques, voire de leur réserver un pourcentage significatif de places.
Parallèlement, l\'apprentissage doit devenir une voie d\'excellence et une place plus large doit être accordée à la formation permanente. À cet effet, les missions du CNAM doivent être adaptées par rapport au LMD.

• Insertion et enseignement
Pour préparer les étudiants aux réalités du monde économique, l\'université doit développer les formations en alternance, favoriser le travail en équipe et renforcer ses relations avec les grandes écoles. Il conviendra de former les enseignantschercheurs à de nouvelles compétences en lien avec la compétitivité des territoires et l\'emploi, et de reconnaître ces compétences dans la carrière.
L\'économie de la connaissance étant à la fois la plus territorialisée et la plus globalisée, il faudra favoriser la mobilité des étudiants français à l\'étranger et l\'accueil d\'étudiants étrangers dans les formations nationales, y compris les formations technologiques dédiées aux besoins du développement local.

L\'accueil des étudiants, enseignants et chercheurs

• Offrir un vrai choix aux étudiants
Une réflexion s\'impose sur la mobilité des étudiants ainsi que sur les politiques publiques leur permettant d\'accéder aux études qui leur conviennent où que ce soit sur le territoire. Si les conditions d\'accueil ou de transports sont essentielles, une refonte des bourses devrait être envisagée pour accompagner la politique des sites. La question du logement étudiant doit être traitée quantitativement, mais aussi qualitativement.L\'action des CROUS doit être recentrée sur leur coeur de métier (oeuvres sociales et gestion du logement) et la construction de logements devrait être déplacée vers les collectivités territoriales ou vers les universités qui pourraient faire appel aux opérateurs du logement social dans le cadre de partenariats public-privé.

• Améliorer l\'accueil des enseignants et chercheurs
La reconnaissance de campus visibles à l\'international ne peut faire abstraction d\'une politique pour attirer des chercheurs de renommée mondiale. Les collectivités peuvent jouer un rôle majeur
en instaurant des mesures financières incitatives, mais aussi en utilisant leurs compétences pour inscrire l\'attractivité du site universitaire dans le cadre de vie de leur région ou de leur ville.

Des financements à la hauteur des enjeux

• Poursuivre l\'effort
Le gouvernement s\'est engagé, d\'ici à 2012, à augmenter de 25% le budget de R&D et de 50% celui de l\'enseignement supérieur. Il est impératif de tenir ces engagements afin que l\'effort de la France rejoigne celui des pays de l\'OCDE.

• Partager les contributions
Une gouvernance partagée doit avoir pour corollaire une répartition des financements. Il est nécessaire que l\'État augmente ses dotations pour porter le financement par an et par étudiant à 12 000 euros dans les filières générales et d\'IUT.
Les collectivités doivent développer les actions en faveur de l\'accueil des étudiants, enseignants et chercheurs (logements, transports, plates-formes technologiques, aide aux start-up…).
Une décentralisation de l\'immobilier universitaire au niveau des régions n\'est en revanche pas souhaitable, sauf au cas par cas pour certaines antennes délocalisées. En ce qui concerne les entreprises, pour les sites dédiés à l\'enseignement technologique, la taxe d\'apprentissage pourrait
être perçue directement par le site délocalisé. Enfin, s\'il n\'est pas illogique de demander aux étudiants de participer davantage aux frais de scolarité, ces participations doivent être modulées
selon les ressources et assorties d\'une véritable aide sociale aux études.

n°408

05 Mars 2008

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Président : Gil Avérous

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Jean-François Debat

Rédacteur en chef
Guillaume Ségala

Rédaction
Armand Pinoteau, Margaux Beau, Arthur Urban, Anaëlle Chouillard

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